• Amour, tu es aveugle et d'esprit et de vue,
    De ne voir pas comment ta force diminue,
    Ton empire se perd, tu révoltes les tiens,
    Faute de ne chasser une infernale peste
    Qui fait que tout le monde à bon droit te déteste,
    Pour ne pouvoir jouir sûrement de tes biens.

    C'est de ton doux repos la mortelle ennemie,
    C'est une mort cruelle au milieu de la...

  • Enfin, l'Amour cruel à tel point m'a rangé
    Que ma triste dépouille en cendre est convertie,
    Et votre cruauté ne s'est onc amortie,
    Que mon coeur par le feu n'ait été saccagé.

    Au moins pour le loyer de m'avoir outragé,
    Faites ainsi que fit la reine de Carie,
    Non par amour comme elle, ains pleine de furie,
    Buvez le peu de cendre en quoi je suis...

  • Amour en même instant m'aiguillonne et m'arrête,
    M'assure et me fait peur, m'ard et me va glaçant,
    Me pourchasse et me fuit, me rend faible et puissant,
    Me fait victorieux et marche sur ma tête.

    Ores bas, ores haut, jouet de la tempête,
    Il va comme il lui plait mon navire élançant :
    Je pense être échappé quand je suis périssant,
    Et quand j'ai tout...

  • Celui que l'Amour range à son commandement
    Change de jour en jour de façon différente.
    Hélas ! j'en ai bien fait mainte preuve apparente,
    Ayant été par lui changé diversement.

    Je me suis vu muer, pour le commencement,
    En cerf qui porte au flanc une flèche sanglante,
    Depuis je devins cygne, et d'une voix dolente
    Je présageais ma mort, me plaignant...

  • Amour, tais-toi, mais prends ton arc ;
    Car ma biche belle et sauvage,
    Soir et matin, sortant du parc,
    Passe toujours par ce passage.

    Voici sa piste, ô la voilà !
    Droit à son coeur dresse ta vire,
    Et ne faux point ce beau coup-là,
    Afin qu'elle n'en puisse rire.

    Hélas ! qu'aveugle tu es bien !
    Cruel, tu m'as frappé pour elle.
    Libre...

  • Depuis qu'Amour cruel empoisonna
    Premièrement de son feu ma poitrine,
    Toujours brûlai de sa fureur divine,
    Qui un seul jour mon coeur n'abandonna.

    Quelque travail, dont assez me donna,
    Quelque menace et prochaine ruine,
    Quelque penser de mort qui tout termine,
    De rien mon coeur ardent ne s'étonna.

    Tant plus qu'Amour nous vient fort assaillir...

  • Au temps qu'Amour, d'hommes et Dieux vainqueur,
    Faisait brûler de sa flamme mon coeur,
    En embrasant de sa cruelle rage
    Mon sang, mes os, mon esprit et courage,
    Encore lors je n'avais la puissance
    De lamenter ma peine et ma souffrance ;
    Encor Phébus, ami des lauriers verts,
    N'avait permis que je fisse des vers.
    Mais maintenant que sa fureur divine
    ...

  • Faire l'amour alors qu'il me défait,
    Et tout défait, l'amour même défaire,
    Le défaisant, le rendre plus parfait,
    Le parfaisant, l'éprouver plus contraire.

    Se délecter aux plaies qu'il me fait,
    Chanter l'honneur de mon fier adversaire ;
    Et de cent maux endurés en effet
    Ne rapporter qu'un bien imaginaire.

    Cacher son mal de crainte de le...

  • Plus j'ai d'amour plus j'ai de fâcherie,
    Car je n'en vois nulle autre réciproque ;
    Plus je me tais et plus je suis marrie,
    Car ma mémoire, en pensant, me révoque
    Tous mes ennuis, dont souvent je me moque
    Devant chacun, pour montrer mon bon sens ;
    A mon malheur moi-même me consens,
    En le célant, par quoi donc je conclus
    Que, pour ôter la douleur que je...

  • Le baiser en l'Amour est l'octave en Musique,
    Vous en avez prins un, et vous en voulez deux ;
    Pourquoy enervez-vous les accords amoureux,
    C'est pecher, disiez-vous, contre la Theorique.

    Non je ne baise point qu'en pure Arithmetique,
    Respondis-je soudain, deux baisers savoureux
    Font nombre, l'unité est un rien mal heureux
    Payez moi, vous devez une...