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    Sur le métier des jours systématiques

    Les servantes, Normes antiques,
    Tissent le mal, tissent le bien,
    Dont est faite la vie égale et mince
    De la province.
    Autant de fils, autant de liens !
    Et la navette ardente et rude
    Allant, venant,
    Trame l’imperméable vêtement

    Des habitudes.

    ...

  • Voici le banc de bois, près des roses trémières,

    Où le soleil, par les après-midi légers,
    Est bon à boire et à manger
    Comme du pain et du vin de lumière.

    Il est luisant et vieux ; il semble las ;
    Il domine la route et les plaines, là-bas,
    Où respirent dans l’or les blés hauts et fragiles.
    La Lys, avec ses joncs que...

  • — Par quels chemins de gloire et de martyre,
    Par quel steppe qui gèle ou quel désert qui bout,
    Dites, arrivez-vous vers nous,
    Notre-Dame des vieux empires ?

    — Je sais le cœur humain depuis qu’il s’est tordu,
    Une première fois, dans les poings de la haine ;
    Le sol n’était encor qu’un bloc de terre ardu,
    Seule, l’orge sauvage embroussaillait les plaines...

  • Le vieux mur est usé et ploie ainsi qu’un homme ;

    Jadis il se chargeait d’un poids rouge de pommes :
    Un espalier géant s’attachant à ses clous.
    Il défiait le gel, la pluie et les vents fous ;
    L’été, quand le travail des champs bout et halète,
    Luisaient au plein soleil ses tuiles violettes.
    Et le grain de sa brique était...

  • Tant de soupçons griffus leur entaillent l’esprit,

    Qu’ils ne croient jamais d’emblée
    Ce qu’une langue humaine à leur oreille dit,
    Même sous les nuits étoilées.

    Ils vivent lents, muets, compliqués et retors,
    Dans la lésine et dans l’envie,
    Les yeux hallucinés par le maigre fil d’or
    Que mêle à ses trames leur vie....

  • En sarrau bleu, en jupon noir,
    Couple rêche, le vieux, la vieille,
    Les Dimanches, avant le soir,
    Vont voir leurs fils qui les surveillent.

    Ils ont, à deux, cent cinquante ans ;
    Ratatinée, elle l’est toute ;
    Mais lui martèle encor la route
    D’un pas sonnant, comme un battant.

    Ils font leur lente promenade
    En bons époux, en bons chrétiens ;...

  • De lieue en lieue avec leurs murs et leurs toits rouges,
    Ils se mirent depuis des siècles dans l’Escaut ;
    Au moindre vent qui vient des nuages, là-haut,
    Mille coqs d’or, sur les clochers, luisent et bougent.

    C’est là que vit et bat, parmi les champs féconds,
    Le très vieux cœur de Flandre au pouls massif et rude ;
    Que les petites gens tassent leurs...

  • Tous les chemins vont vers la ville.

    Du fond des brumes,
    Là-bas, avec tous ses étages
    Et ses grands escaliers et leurs voyages
    Jusques au ciel, vers de plus hauts étages,
    Comme d’un rêve, elle s’exhume.

    Là-bas,
    Ce sont des ponts tressés en fer
    Jetés, par bonds, à...

  • LA VILLE NOUVELLE

    Un treuil audacieux
    Semble lever jusqu’aux cieux
    D’énormes pierres, une à une ;
    Et son câble d’acier luit aux rais de la lune ;

    Et plus loin d’autres treuils monumentaux
    Règnent également de travaux en travaux,
    Et l’on entend dans l’ombre où de grands feux s’étagent
    Le bruit...

  • Oh ces villes, par l’or putride, envenimées !
    Clameurs de pierre et vols et gestes de fumées,
    Dômes et tours d’orgueil et colonnes debout
    Dans l’espace qui vibre et le travail qui bout,
    En aimas-tu l’effroi et les affres profondes
    Ô toi, le voyageur
    Qui t’en allais triste et songeur,
    Par les gares de feu qui ceinturent le monde ?...