• Il est un oeil si doux et si plein de candeur
    Qu'on dirait une étoffe en la nuit presque éteinte.
    La mer au fond d'un autre a mis sa fauve teinte.
    Un troisième est fait d'ombre. Et tous ont leur splendeur.

    Sous leurs cils veloutés il n'est pas de froideur
    Quand le coeur aime. Et nul ne peut fuir leur atteinte.
    L'âme vibre bientôt comme un métal qui tinte,...

  • Les vapeurs du matin, légères et limpides,
    Ondulent mollement le long des Laurentides,
    Comme des nuages d'encens.
    Au murmure des flots caressant le rivage,
    Les oiseaux matineux, cachés dans le feuillage,
    Mêlent de suaves accents.

    La nature, au réveil, chante une hymne plaintive,
    Dont les accords touchants font retentir la rive
    Du Saint-Laurent aux...

  • Comme au milieu des mers d'immobiles vaisseaux,
    Depuis des milliers d'ans vous dormez dans vos sables,
    Et sur vos fronts, pour vous créer impérissables,
    La force et le génie ont imprimé leurs sceaux.

    Vainement la lumière, en radieux faisceaux,
    Pleut sur vous, vos secrets restent insaisissables.
    L'antiquité, voyant vos traits ineffaçables,
    Croirait...

  • - Et le mal nous a pris, séduisant, enjôleur,
    Comme un filet de soie en ses brillantes mailles.
    Eve a senti l'amour embraser ses entrailles ;
    Elle a, bénissant Dieu, fait l'homme de douleur.

    Dieu m'a dit, irrité : « Tu scelles ton malheur.
    Il faut que chaque jour tu souffres et travailles.
    Mon ciel vous est fermé comme par des murailles,
    Jusqu'au...

  • Aux vallons endormis la nuit glisse en silence.
    Mes vieux pins sont drapés dans leurs sombres manteaux.
    On n'entend plus monter le rythme des marteaux,
    On ne voit plus la nef que la vague balance.

    Une fauve lueur, comme un éclair de lance,
    Embrase un coin du ciel, au-dessus des coteaux.
    Les cimes ont de l'or dans leurs noirs chapiteaux.
    Vers ces...

  • Quand tu luis au-dessus de la forêt mouvante,
    On dirait que des feux s'allument tout au fond.
    Tu donnes un baiser à l'océan profond,
    Et l'océan frémit comme une âme vivante.

    Es-tu notre compagne ? Es-tu notre servante ?
    Ton éclat nous ravit, ton pouvoir nous confond.
    Sous ton voile brillant comme l'or qui se fond,
    N'es-tu qu'un astre mort où règne...

  • 19 juin 1837

    Accourez vite à nos splendides fêtes !
    Ici banquets, là concert, ailleurs bal.
    Les diamants rayonnent sur les têtes,
    Le vin rougit les coupes de cristal.
    Ce luxe altier qui partout se déroule,
    Le peuple va le payer en gros sous.
    Municipaux, au loin chassez la foule.
    Amusons-nous !

    Quel beau festin ! mets précieux et...

  • Mon front pâle est sur tes genoux
    Que jonchent des débris de roses ;
    O femme d'automne, aimons-nous
    Avant le glas des temps moroses !

    Oh ! des gestes doux de tes doigts
    Pour calmer l'ennui qui me hante !
    Je rêve à mes aïeux les rois,
    Mais toi, lève les yeux, et chante.

    Berce-moi des dolents refrains
    De ces anciennes cantilènes...

  • A JORIS-KARL HUYSMANS

    La blême lune allume en la mare qui luit
    Miroir des gloires d'or, un émoi d'incendie.
    Tout dort. Seul, à mi-mort, un rossignol de nuit
    Module en mal d'amour sa molle mélodie.

    Plus ne vibrent les vents en le mystère vert
    Des ramures. La lune a tû leurs voix nocturnes :
    Mais à travers le deuil du feuillage entr'ouvert,...

  • Mon âme, en une rose,
    Est morte de douleur :
    C'est l'histoire morose
    Du rêve et de la fleur.

    Je n'irai pas la dire
    Sur les routes du roi ;
    Je crois, Dame et Messire,
    Que vous ririez de moi.

    Voici le vent d'automne
    Sur mon âme et les fleurs ;
    Et pourtant je m'étonne
    De tout ce ciel en pleurs.

    O rose de mon rêve...