• Songeur, dans de beaux rêves t'absorbant,
    La pendule, à l'heure où seul tu médites,
    T'afflige avec ses bruits froids, stalactites
    Du temps qui s'égoutte et pleure en tombant.

    C'est une eau qui filtre en petites chutes
    Et soudain se glace aux parois du coeur ;
    Et cela produit toute une langueur
    L'émiettement de l'heure en minutes.

    Collier...

  • Dans l'air fraîchi, venant d'où, déclose comment ?
    Vers moi, par la fenêtre ouverte, une musique
    Déferle à petites vagues si tristement.
    Elle me fait à l'âme un mal presque physique.

    Confuse comme un songe... est-ce d'un piano,
    Est-ce d'un violon méconnu qui s'afflige
    Ou d'une voix humaine en élans comme une eau
    D'un jet d'eau qui s'effeuille en larmes...

  • Quand le soir est tombé dans la chambre quiète
    Mélancoliquement, seul le lustre émiette
    Son bruit d'incontenté dans le silence clos.
    Lustre toujours vibrant comme un arbre d'échos,

    Lustre aux calices fins en verre de Venise
    Où la douleur de la poussière s'éternise,
    Mais en gémissements qu'à peine on remarqua,
    Grêles comme un chagrin lointain d'harmonica...

  • Les glaces sont les mélancoliques gardiennes
    Des visages et des choses qui s'y sont vus ;
    Mirage obéissant sans jamais un refus !
    Mais le soir leur revient en crises quotidiennes ;
    C'est une maladie en elles que le soir ;
    Comment se prolonger un peu, comment surseoir
    Au mal de perdre en soi les couleurs et les lignes ?
    C'est le mal d'un canal où s'...

  • L'eau des anciens canaux est débile et mentale,
    Si morne, parmi les villes mortes, aux quais
    Parés d'arbres et de pignons en enfilade
    Qui sont, dans cette eau pauvre, à peine décalqués,
    Eau vieillie et sans force ; eau malingre et déprise
    De tout élan pour se raidir contre la brise
    Qui lui creuse trop de rides... Oh ! la triste eau
    Qui va pleurer sous les...

  • En province, dans la langueur matutinale
    Tinte le carillon, tinte dans la douceur
    De l'aube qui regarde avec des yeux de soeur,
    Tinte le carillon, - et sa musique pâle

    S'effeuille fleur à fleur sur les toits d'alentour,
    Et sur les escaliers des pignons noirs s'effeuille
    Comme un bouquet de sons mouillés que le vent cueille,
    Musique du matin qui tombe de...

  • Les pièces d'eau, songeant dans les parcs taciturnes,
    Dans les grands parcs muets semés de boulingrins,
    S'aigrissent ; et n'ont plus pour tromper leurs chagrins
    Qu'un décalque de ciel avant les deuils nocturnes ;

    Une fête galante en nuages mirés,
    En nuages vêtus de satin soufre et rose
    Qui s'avancent noués de rubans et parés
    Pour quelque menuet ou...

  • Douceur du soir ! Douceur de la chambre sans lampe !
    Le crépuscule est doux comme une bonne mort
    Et l'ombre lentement qui s'insinue et rampe
    Se déroule en fumée au plafond. Tout s'endort.

    Comme une bonne mort sourit le crépuscule
    Et dans le miroir terne, en un geste d'adieu,
    Il semble doucement que soi-même on recule,
    Qu'on s'en aille plus pâle et...

  • Les dimanches : tant de tristesse et tant de cloches !
    Volets fermés, outils au repos, piano
    Grêlement tapoté par des doigts sans anneau,
    Des doigts de vierges dont les coeurs sont sans reproches.

    Solitude où quelques passants ; vêpres qui geint ;
    Couleur de demi-deuil planant sur les dimanches,
    Avec de la fumée en lentes vapeurs blanches
    Et du triste...

  • En des quartiers déserts de couvents et d'hospices,
    Des quartiers d'exemplaire et stricte piété,
    Je sais des murs en deuil vieillis sous les auspices
    D'un calvaire où s'étale un christ ensanglanté :

    Plantée en ses cheveux, la couronne d'épines
    Forme un buisson de clous, -le corps est en ruines,
    Livide, comme si la lance, l'éraflant,
    Avait jauni de fiel...