Je ne commettrai pas le crime poétique
De m'endormir parmi les parfums et les fleurs ;
Les fleurs dont j'ai saisi le langage mystique
Ont trop fait couler de mes pleurs.
Ma mort sera plus lente et sera non moins sûre ;
Il est d'autres moyens que la vague ou l'acier :
Le fleuve rend sa proie, on panse une blessure,
Ton parfum n'est pas meurtrier....
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A Philippe Monnier.
Je te dédie, ô Mort, le suprême désir
De mon coeur dépouillé de la robe illusoire ;
Il mettra tout le feu qu'il avait au plaisir
A mériter ta grâce, à conquérir ta gloire.
Il est mûr pour ta gerbe ; il ne veut plus de vin :
De son trésor, il n'a conservé qu'une envie
De repos éternel et de néant divin,
Dégoûté, dès le... -
A Valentin Girod.
Une confusion de sons, de feux et d'ailes,
Où flottent des parfums de lys et d'orangers ;
Une Vierge s'avance à pas fins et légers
Sous un chapeau fleuri de claires asphodèles.
Un doux peuple d'enfants heureux de se voir nus,
S'ébat dans la rivière où la lumière éclate,
Et le vent langoureux, à la nue écarlate,
Porte... -
Monts superbes, dressez vos pics inaccessibles
Sur le cirque brumeux où plongent vos flancs verts !
Métaux, dans le regret des chaleurs impossibles,
Durcissez-vous au fond des volcans entr'ouverts !
- Hérisse, amer orgueil, ta muraille rigide
Sur le coeur que des yeux de femme ont perforé !
Désirs inassouvis, sous cette fière égide,
Mornes, endormez-... -
A J-M De Heredia.
La nuit glisse à pas lents sous les feuillages lourds ;
Sur les nappes d'eau morte aux reflets métalliques,
Ce soir traîne là-bas sa robe de velours ;
Et du riche tapis des fleurs mélancoliques,
Vers les massifs baignés d'une fine vapeur,
Partent de chauds parfums dans l'air pris de torpeur.
Avec l'obsession rythmique de la houle,... -
Sous des massifs touffus, au fond désert du parc,
La colonnade antique arrondissant son arc,
Dans une eau sombre encore à moitié se profile ;
Et la fleur que le pampre ou que le lierre exile
Parfois brille furtive aux creux des chapiteaux.
L'eau sommeille ; une mousse y fait de sourds cristaux.
A peine un coin du ciel en éclaircit la moire,
De sa lueur... -
A Catulle Mendès.
Un long frisson descend des coteaux aux vallées ;
Des coteaux et des bois, dans la plaine et les champs,
Le frisson de la nuit passe vers les allées.
- Oh ! l'angelus du soir dans les soleils couchants ! -
Sous une haleine froide au loin meurent les chants,
Les rires et les chants dans les brumes épaisses.
Dans la brume qui monte... -
Car les bois ont aussi leurs jours d'ennui hautain ;
Et, las de tordre au vent leurs grands bras séculaires ;
S'enveloppent alors d'immobiles colères ;
Et leur mépris muet insulte leur destin.
Ni chevreuils, ni ramiers chanteurs, ni sources claires.
La forêt ne veut plus sourire au vieux matin,
Et, refoulant la vie aux plaines du lointain,
Semble... -
Comme les hauts piliers des vieilles cathédrales,
Ô rêves de mon coeur, vous montez ! Et je vois
L'ancien encens encore endormir ses spirales
A l'ombre de vos nefs, ô rêves d'autrefois !
Comme un orgue dompté par des mains magistrales,
Ô ma longue douleur ! Je t'écoute ; et ta voix
Murmure encor l'écho des plaintes et des râles
Que j'ai depuis longtemps... -
Songe horrible ! - la foule innombrable des âmes
M'entourait. Immobile et muet, devant nous,
Beau comme un dieu, mais triste et pliant les genoux,
L'ancêtre restait loin des hommes et des femmes.
Et le rayonnement de sa mâle beauté,
Sa force, son orgueil, son remords, tout son être,
Forme du premier rêve où s'admira son maître,
S'illuminait du sceau de...