• O mon cher rouet, ma blanche bobine,
    Je vous aime mieux que l'or et l'argent !
    Vous me donnez tout, lait, beurre et farine,
    Et le gai logis, et le vêtement.
    Je vous aime mieux que l'or et l'argent,
    O mon cher rouet, ma blanche bobine !

    O mon cher rouet, ma blanche bobine,
    Vous chantez dès l'aube avec les oiseaux ;
    Eté comme hiver, chanvre ou laine...

  • Ô jeune cavale, au regard farouche,
    Qui cours dans les prés d'herbe grasse emplis,
    L'écume de neige argente ta bouche,
    La sueur ruisselle à tes flancs polis.
    Vigoureuse enfant des plaines de Thrace,
    Tu hennis au bord du fleuve mouvant,
    Tu fuis, tu bondis, la crinière au vent :
    Les daims auraient peine à suivre ta trace.
    Mais bientôt, ployant sur...

  • Un monde mort, immense écume de la mer,
    Gouffre d'ombre stérile et de lueurs spectrales,
    Jets de pics convulsifs étirés en spirales
    Qui vont éperdument dans le brouillard amer.

    Un ciel rugueux roulant par blocs, un âpre enfer
    Où passent à plein vol les clameurs sépulcrales,
    Les rires, les sanglots, les cris aigus, les râles
    Qu'un vent sinistre arrache...

  • Certes, ce monde est vieux, presque autant que l'enfer.
    Bien des siècles sont morts depuis que l'homme pleure
    Et qu'un âpre désir nous consume et nous leurre,
    Plus ardent que le feu sans fin et plus amer.

    Le mal est de trop vivre, et la mort est meilleure,
    Soit que les poings liés on se jette à la mer,
    Soit qu'en face du ciel, d'un oeil ferme, et sur l'heure...

  • À l'ombre des rosiers de sa fraîche terrasse,
    Sous l'ample mousseline aux filigranes d'or,
    Djihan-Guîr, fils d'Akbar, et le chef de sa race,
    Est assis sur la tour qui regarde Lahor.

    Deux Umrahs sont debout et muets, en arrière.
    Chacun d'eux, immobile en ses flottants habits,
    L'oeil fixe et le front haut, tient d'une main guerrière
    Le sabre d'acier...

  • Elle passe, tranquille, en un rêve divin,
    Sur le bord du plus frais de tes lacs, ô Norvège !
    Le sang rose et subtil qui dore son col fin
    Est doux comme un rayon de l'aube sur la neige.

    Au murmure indécis du frêne et du bouleau,
    Dans l'étincellement et le charme de l'heure,
    Elle va, reflétée au pâle azur de l'eau
    Qu'un vol silencieux de papillons...

  • Antique Justicier, ô divin Sagittaire,
    Tu foulais de l'Oita la cime solitaire,
    Et dompteur en repos, dans ta force couché,
    Sur ta solide main ton front s'était penché.
    Les pins de Thessalie, avec de fiers murmures,
    T'abritaient gravement de leurs larges ramures ;
    Détachés de l'épaule et du bras indompté,
    Ta massue et ton arc dormaient à ton côté.
    Tel,...

  • Tombez, ô perles dénouées,
    Pâles étoiles, dans la mer.
    Un brouillard de roses nuées
    Émerge de l'horizon clair ;
    À l'Orient plein d'étincelles
    Le vent joyeux bat de ses ailes
    L'onde que brode un vif éclair.
    Tombez, ô perles immortelles,
    Pâles étoiles, dans la mer.

    Plongez sous les écumes fraîches
    De l'Océan mystérieux.
    La lumière...

  • (Études latines, XVII)

    Lydia, sur tes roses joues,
    Et sur ton col frais et plus blanc
    Que le lait, coule étincelant
    L'or fluide que tu dénoues.

    Le jour qui luit est le meilleur
    Oublions l'éternelle tombe.
    Laisse tes baisers de colombe
    Chanter sur tes lèvres en fleur.

    Un lys caché répand sans cesse
    Une odeur divine en...

  • Mieux que l'aigle chasseur, familier de la nue,
    Homme ! monte par bonds dans l'air resplendissant.
    La vieille terre, en bas, se tait et diminue.

    Monte. Le clair abîme ouvre à ton vol puissant
    Les houles de l'azur que le soleil flagelle.
    Dans la brume, le globe, en bas, va s'enfonçant.

    Monte. La flamme tremble et pâlit, le ciel gèle,
    Un...