• Pren ceste rose aimable comme toy,
    Qui sers de rose aux roses les plus belles,
    Qui sers de fleur aux fleurs les plus nouvelles,
    Qui sers de Muse aux Muses et à moy.

    Pren ceste rose, et ensemble reçoy
    Dedans ton sein mon coeur qui n'a point d'ailes :
    Il vit blessé de cent playes cruelles,
    Opiniastre à garder trop sa foy.

    La rose et moy...

  • Qui voudra voir comme un Dieu me surmonte,
    Comme il m'assaut, comme il se fait vainqueur,
    Comme il renflamme et renglace mon coeur,
    Comme il reçoit un honneur de ma honte,

    Qui voudra voir une jeunesse prompte
    A suivre en vain l'objet de son malheur,
    Me vienne voir : il verra ma douleur,
    Et la rigueur de l'Archer qui me dompte.

    Il connaîtra...

  • Que n'ai-je comme Bacchus
    Cette puissance divine !
    Jaloux, vous seriez vaincus
    Par une feuille de vigne.
    Ma Rozette me tiendrait,
    Mais tout en votre présence,
    Et douce me baiserait.
    Que n'ai-je cette puissance ?

    Je deviendrais beau raisin,
    Elle, sans être aperçue,
    Me mangerait grain à grain,
    Devant sa mère déçue.
    En raisin...

  • Tu rentreras comme Voltaire
    Chargé d'ans, en ton grand Paris ;
    Des Jeux, des Grâces et des Ris
    Tu seras l'hôte involontaire.

    Tu seras le mourant aimé ;
    On murmurera dès l'aurore,
    A ton seuil à demi fermé,
    Déjà ! mêlé de Pas encore.

    A la fois marmot et barbon,
    Tu pourras penser, joie honnête :
    Je suis si bon qu'on me croit...

  • Oh ! je fus comme fou dans le premier moment,
    Hélas ! et je pleurai trois jours amèrement.
    Vous tous à qui Dieu prit votre chère espérance,
    Pères, mères, dont l'âme a souffert ma souffrance,
    Tout ce que j'éprouvais, l'avez-vous éprouvé ?
    Je voulais me briser le front sur le pavé ;
    Puis je me révoltais, et, par moments, terrible,
    Je fixais mes regards...

  • Comme un verre de Venise
    sait en naissant ce gris
    et la clarté indécise
    dont il sera épris,

    ainsi tes tendres mains
    avaient rêvé d'avance
    d'être la lente balance
    de nos moments trop pleins.

  • Tout se passe à peu près comme
    si l'on reprochait à la pomme
    d'être bonne à manger.
    Mais il reste d'autres dangers.

    Celui de la laisser sur l'arbre,
    celui de la sculpter en marbre,
    et le dernier, le pire :
    de lui en vouloir d'être en cire.

  • Comme tel qui parle de sa mère
    lui ressemble en parlant,
    ce pays ardent se désaltère
    en se souvenant infiniment.

    Tant que les épaules des collines
    rentrent sous le geste commençant
    de ce pur espace qui les rend
    à l'étonnement des origines.

  • Comme un navire en mer au fort de la tourmente,
    Prêt à choquer les rocs par les vents agité,
    Sitôt qu'un feu de joie a montré sa clarté,
    L'air se tait, l'eau se calme, et l'orage s'absente,

    La nef sans peur recourt sur sa première sente
    Au rivage étranger qu'elle avait écarté,
    Fait voile assurément, mire son nord quitté,
    Et selon son dessein surgit...

  • Ce Monde, comme on dit, est une cage à fous,
    Où la guerre, la paix, l'amour, la haine, l'ire,
    La liesse, l'ennui, le plaisir, le martyre
    Se suivent tour à tour et se jouent de nous.

    Ce Monde est un théâtre où nous nous jouons tous
    Sous habits déguisés à malfaire et médire.
    L'un commande en tyran, l'autre, humble, au joug soupire ;
    L'un est bas, l'...