•                     I

    Le nez rouge, la face blême,
    Sur un pupitre de glaçons,
    L’Hiver exécute son thème
    Dans le quatuor des saisons.

    Il chante d’une voix peu sûre
    Des airs vieillots et chevrotants ;
    Son pied glacé bat la mesure
    Et la semelle en même temps ;

    Et comme Hændel, dont la perruque
    Perdait sa farine en tremblant,
    Il...

  • Quand je n’ai rien à faire, et qu’à peine un nuage
    Dans les champs bleus du ciel, flocon de laine, nage,
    J’aime à m’écouter vivre, et, libre de soucis,
    Loin des chemins poudreux, à demeurer assis
    Sur un moelleux tapis de fougère et de mousse,
    Au bord des bois touffus où la chaleur s’émousse.
    Là, pour tuer le temps, j’observe la fourmi
    Qui, pensant au...

  • Je suis jeune ; la pourpre en mes veines abonde ;
    Mes cheveux sont de jais et mes regards de feu,
    Et, sans gravier ni toux, ma poitrine profonde
    Aspire à pleins poumons l’air du ciel, l’air de Dieu.

    Aux vents capricieux qui soufflent de Bohême,
    Sans les compter, je jette et mes nuits et mes jours,
    Et, parmi les flacons, souvent l’aube au teint blême
    ...

  • Caprice d’un pinceau fantasque
    Et d’un impérial loisir,
    Votre fellah, sphinx qui se masque,
    Propose une énigme au désir.

    C’est une mode bien austère
    Que ce masque et cet habit long ;
    Elle intrigue par son mystère
    Tous les Œdipes du Salon.

    L’antique Isis légua ses voiles
    Aux modernes filles du Nil ;
    Mais, sous le bandeau, deux...

  • Cette femme du monde,
              Pâle et blonde,
    Qu’on voit d’un pas pressé,
              L’œil baissé,
    Filer sous les grands arbres
              Loin des marbres,
    Héros, Amours, Bergers,
              Trop légers,
    S’en va vers un coin sombre
              Voilé d’ombre,
    Derrière les massifs
              De vieux ifs.
    Sans manteau qui la...

  • À Paulowski tout est prestige :
    Jardin, musique ; mais le soir
    Le rhume à son aise y voltige,
    Prenant son aile pour mouchoir.

    La fraîcheur tombant de la nue
    Met une perle à tous les nez ;
    Gluck tousse, Mozart éternue
    Dans les cuivres enchifrenés.

    La chandelle humide et flasque
    Débande sous l’archet mouillé,
    Et la peau du tambour de...

  • Les marronniers de la terrasse
    Vont bientôt fleurir, à Saint-Jean,
    La villa d’où la vue embrasse
    Tant de monts bleus coiffés d’argent.

    La feuille, hier encor pliée
    Dans son étroit corset d’hiver,
    Met sur la branche déliée
    Les premières touches de vert.

    Mais en vain le soleil excite
    La sève des rameaux trop lents ;
    La fleur...

  • À la morne chartreuse, entre des murs de pierre,
    En place de jardin l’on voit un cimetière,
    Un cimetière nu comme un sillon fauché,
    Sans croix, sans monument, sans tertre qui se hausse :
    L’oubli couvre le nom, l’herbe couvre la fosse ;
    La mère ignorerait où son fils est couché.

    Les végétations maladives du cloître
    Seules sur ce terrain peuvent germer...

  • Sur l’eau pure du lac, dans la lueur du soir,
    –––––Le reflet d’un temple s’allonge.
    La fille de Corinthe y vient, et va s’asseoir
    –––––À l’escalier qui dans l’eau plonge.
    Elle...

  • Lorsque la solitude et la mélancolie
    De leurs vagues tourments torturent ma langueur
    Et me font souvenir de tout ce qui m’oublie
    En murmurant tout bas : « Amour, gloire et bonheur, »
    Comme avec un ami qui comprend votre peine
    Et dont le cœur ému bat en vous répondant,
    Mon chagrin, ignoré de Wilhelm et d’Hélène,
    S’épanche et se console avec ce...