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    Le laboureur m’a dit en songe : « Fais ton pain,
    Je ne te nourris plus, gratte la terre et sème. »
    Le tisserand m’a dit : « Fais tes habits toi-même. »
    Et le maçon m’a dit : « Prends ta truelle en main. »

    Et seul, abandonné de tout le genre humain
    Dont je traînais partout l’implacable anathème,
    Quand j’implorais du ciel une pitié suprême,
    Je...

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        J’ai mon sérail comme un prince d’Asie,
        Riche en beautés pour un immense amour ;
        Je leur souris selon ma fantaisie :
    J’aime éternellement la dernière choisie,
            Et je les choisis tour à tour.

        Ce ne sont pas...

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    Le phare sent mourir ses lueurs argentées,
    Et du golfe arrondi les pentes enchantées
    Vont se dorer dans l’aube où le regard les perd.
    Les villages marins dorment. L’Océan vert,
    Qui n’a pas de sommeil, fait sa grande descente.
    Il réclame son lit, et de loin gémissante
    L’onde écume ; elle accourt, s’écroule en s’étalant,
    Couvre le fin tapis du...

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    Les grands appartements qu’elle habite l’hiver
    Sont tièdes. Aux plafonds, légers comme l’éther,
               Planent d’amoureuses peintures.

    Nul bruit ; partout les voix, les pas sont assoupis
    Par la laine opulente et molle des tapis
               Et l’ample velours des tentures.

    Aux fenêtres, dehors, la grêle a beau sévir,
    Sous ses balles de...

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    La forge fait son bruit, pleine de spectres noirs.
    Le pilon monstrueux, la scie âpre et stridente,
    L’indolente cisaille atrocement mordante,
    Les lèvres sans merci des fougueux laminoirs,

    Tout hurle, et dans cet antre, où les jours sont des soirs
    Et les nuits des midis d’une rougeur ardente,
    On croit voir se lever la figure de Dante
    Qui passe,...

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    En tes yeux nage une factice opale,
    Et le charbon t’allonge les sourcils,
    Mais ton regard sans douceur n’est que pâle
    Sous tes gros cils de sépia noircis.

    Ah ! Pauvre femme, il règne un froid de pierre
    Dans la langueur menteuse de ce fard ;
    Quand tu mettrais l’azur sous ta paupière,
    Tu ne pourrais embellir ton regard !

    Oui, porte envie...

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    Dans un flot de gaze et de soie,
    Couples pâles, silencieux,
    Ils tournent, et le parquet ploie,
    Et vers le lustre qui flamboie
    S’égarent demi-clos leurs yeux.

    Je pense aux vieux rochers que j’ai vus en Bretagne,
    Où la houle s’engouffre et tourne, jour et nuit,
    Du même tournoîment que toujours accompagne
                      Le même bruit....

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    Tout seul au plus profond d’un bois,
    Dans un fouillis de ronce et d’herbe,
    Se dresse, oublié, mais superbe,
    Un grand vase du temps des rois.

    Beau de matière et pur de ligne,
    Il a pour anses deux béliers
    Qu’un troupeau d’amours familiers
    Enlace d’une souple vigne.

    À ses bords, autrefois tout blancs,
    La mousse noire append son givre...

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    Il fait grand vent, le ciel roule de grosses voix,
    Des géants de vapeur y semblent se poursuivre,
    Les feuilles mortes fuient avec un bruit de cuivre,
    On ne sait quel troupeau hurle à travers les bois

    Et je ferme les yeux et j’écoute. Or je crois
    Ouïr l’àpre combat qui nuit et jour, se livre :
    Cris de ceux qu’on enchaîne et de ceux qu’on délivre,...

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    J’honore en secret la duègne
    Que raillent tant de gens d’esprit,
    La vertu ; j’y crois, et dédaigne
    De sourire quand on en rit.

    Ah ! Souvent l’homme qui se moque
    Est celui que point l’aiguillon,
    Et tout bas l’incrédule invoque
    L’objet de sa dérision.

    Je suis trop fier pour me contraindre
    À la grimace des railleurs,
    Et pas...