Mélanges (Prudhomme)/Une Aurore

 
Le phare sent mourir ses lueurs argentées,
Et du golfe arrondi les pentes enchantées
Vont se dorer dans l’aube où le regard les perd.
Les villages marins dorment. L’Océan vert,
Qui n’a pas de sommeil, fait sa grande descente.
Il réclame son lit, et de loin gémissante
L’onde écume ; elle accourt, s’écroule en s’étalant,
Couvre le fin tapis du sable étincelant,
Et, par un lent retour lavant la plage lisse,
Sous l’onde renaissante, à bout de force, glisse.
Sur la sphère liquide aux éclairs de métaux
Une invisible main fait pencher les bateaux.
Il passe des zéphyrs pleins de fraîcheurs salées.
Et voici que là-bas, par monts et par vallées,

Volent des hommes nus sur des chevaux sans mors ;
Leur galop vers la mer en laboure les bords,
Et de leur bain hardi les joyeuses tempêtes
Aux panaches des flots mêlent les crins des bêtes.

Collection: 
1865

More from Poet

  •  
    Mon corps, vil accident de l’éternel ensemble ;
    Mon cœur, fibre malade aux souffrantes amours ;
    Ma raison, lueur pâle où la vérité tremble ;
    Mes vingt ans, pleurs perdus dans le torrent des jours :

    Voilà donc tout mon être ! et pourtant je rassemble...

  •  
    Tu veux toi-même ouvrir ta tombe :
    Tu dis que sous ta lourde croix
    Ton énergie enfin succombe ;
    Tu souffres beaucoup, je te crois.

    Le souci des choses divines
    Que jamais tes yeux ne verront
    Tresse d’invisibles épines
    Et les enfonce dans ton...

  • Ces vers que toi seule aurais lus,
    L’œil des indifférents les tente ;
    Sans gagner un ami de plus
    J’ai donc trahi ma confidente.

    Enfant, je t’ai dit qui j’aimais,
    Tu sais le nom de la première ;
    Sa grâce ne mourra jamais
    Dans mes yeux qu’...

  •  
    Toi qui peux monter solitaire
    Au ciel, sans gravir les sommets,
    Et dans les vallons de la terre
    Descendre sans tomber jamais ;

    Toi qui, sans te pencher au fleuve
    Où nous ne puisons qu’à genoux,
    Peux aller boire avant qu’il pleuve
    Au nuage...

  •  
    O vénérable Nuit, dont les urnes profondes
    Dans l’espace infini versent tranquillement
    Un long fleuve de nacre et des millions de mondes,
             Et dans l’homme un divin calmant,

    Tu berces l’univers, et ton grand deuil ressemble
    A celui d’une...