• Déjà mon cœur me quitte, et la mort me réclame,
    Et je ne la crains pas : pourquoi me secourir ?
    Vers le Ciel qui l’attend laisse voler mon âme.
    Oh ! ma sœur, laisse-moi mourir !

    Dès longtemps, tu le sais, ma vie est douloureuse ;
    Souvent sur mes chagrins je te vis t’attendrir ;
    Va, ne me retiens pas pour toi, sois généreuse.
    Oh ! ma sœur, laisse-moi...

  •  
    Comme une louve ayant fait chasse vaine,
    Grinçant les dents, s’en va par le chemin ;
    Je vais, hagard, tout chargé de ma peine,
    Seul avec moi, nulle main dans ma main ;
    Pas une voix qui me dise : A demain.

    Pourtant bout en mon sein la sève de la vie ;
    Femmes ! mon pauvre cœur est pourtant bien aimant,
    J’ai vingt ans, je suis beau, je devrais...

  • Un immense désespoir
    Noir
    M'atteint
    Désormais, je ne pourrais
    M'égayer au rose et frais
    Matin.

    Et je tombe dans un trou
    Fou,
    Pourquoi
    Tout ce que j'ai fait d'efforts
    Dans l'Idéal m'a mis hors
    La Loi ?

    Satan, lorsque tu tombas
    Bas,
    Au moins
    Tu payais tes voeux cruels,
    Ton crime avait d'immortels
    ...

  • Lorsque du Créateur la parole féconde,
    Dans une heure fatale, eut enfanté le monde
    Des germes du chaos,
    De son oeuvre imparfaite il détourna sa face,
    Et d'un pied dédaigneux le lançant dans l'espace,
    Rentra dans son repos.

    Va, dit-il, je te livre à ta propre misère ;
    Trop indigne à mes yeux d'amour ou de colère,
    Tu n'es rien devant moi.
    Roule...

  • Stances

    Celle que j'ai placée entre les immortels,
    Et que ma passion maintient sur les autels,
    La perfide a payé ma foi d'ingratitude.
    Aux traits de sa rigueur je sers toujours de blanc,
    Et son mépris n'ordonne à mon inquiétude
    Que des soupirs de flamme et des larmes de sang.

    Encore que mes vers, déguisant son orgueil,
    Par de si beaux...

  • Si c'est Amour, pourquoi m'occit-il donc,
    Qui tant aimai, et haïr ne sus onc ?
    Et s'il m'occit, pourquoi plus outre vis ?
    Et si ne vis, pourquoi sont mes devis
    De désespoir et de plaints tous confus ?
    Meilleur m'était, soudain que né je fus,
    De mourir tôt que de tant vivre, même
    Que mortel suis ennemi de moi-même :
    Et ne puis, las, et ne puis...

  • Pressé de désespoir, mes yeux flambants je dresse
    À ma beauté cruelle, et baisant par trois fois
    Mon poignard nu, je l'offre aux mains de ma déesse,
    Et lâchant mes soupirs en ma tremblante voix,
    Ces mots coupés je presse :

    " Belle, pour étancher les flambeaux de ton ire,
    Prends ce fer en tes mains pour m'en ouvrir le sein,
    Puis mon coeur haletant hors...