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    COMME un pêcheur debout sur la rive profonde,
    Dieu, sur le bord du ciel devançant le matin,
    Jette, — immense filet, — chaque jour sur le monde
    Et l’entraîne, le soir, plein d’un sombre butin.

    Ceux-là que nous aimons, ce sont ceux qu’il emporte :
    Ce qu’il en fait là-haut, nul ne le sait ici.
    — Le flot s’est refermé, comme une immense porte
    ...

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    L’ÉTÉ ne sait pas les chansons
    Que le printemps chantait au saule ;
    L’été marche et sur son épaule
    S’entasse l’or de la moisson ;
    Dans sa chevelure superbe
    Fleurissent les fleurs de la gerbe.
    — L’été ne sait pas les chansons
    Que le printemps chante au brin d’herbe.

    L’automne ne sait plus le chant
    Que l’été lançait vers la nue ;...

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    SOUS le poids des ans révolus
    Se sont penchés nos fronts moroses,
    Si bien que nous ne savons plus
    Pourquoi les printemps ont des roses.

    Les oublis et les abandons
    Ont mis sur nous leur main méchante,
    Si bien que nous nous demandons
    D’où vient que le rossignol chante.

    Fêtes des forêts et des champs
    Viennent mourir à notre porte....

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    DU grand rêve païen par les âges déchue,
    Femme, cette douceur amère t’est échue
    De garder, sur ton front cher et découronné,
    Rameau toujours vivant, le laurier de Daphné.

    Si tu n’es plus debout, aux temps durs où nous sommes
    Entre l’amour des Dieux et le culte des hommes,
    Les poètes du moins, te gardant de l’affront,
    Devant tes pieds sacrés...

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    CE ne fut ni la chair vivante, ni l’argile
    Qui servit de modèle à ce corps radieux :
    La femme a moins d’orgueil, — la terre est trop fragile,
    Et ce marbre immortel vient du pays des Dieux.

    Jamais l’âme cruelle aux amantes cachée.
    N’eut ce sein ni ce front augustes pour prison,
    Et la double colline à ce torse attachée
    N’abrite pas un cœur fait...

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    DANS ce marbre héroïque en creusant ta statue,
    Un artiste inconnu fixa l’éternité,
    O toi dont la splendeur nous fait vivre et nous tue,
    Femme de qui les temps connurent la Beauté.

    Il te fit cette image immortelle et profonde
    Où nos premiers regards retrouvent, éperdus,
    L’amante impitoyable et la mère féconde
    A qui tous nos malheurs et tous nos...

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    I

    LE soleil, déchiré par les rocs ténébreux,
    Tombe, comme César, dans sa robe sanglante,
    Avant de nous quitter, l’heure se fait plus lente,
    Et de confuses voix murmurent des adieux

    C’est le soir ! — L’horizon se remplit de lumière,
    Et la pourpre s’allume aux rives de l’azur ;
    Et le flot attiédi, plus profond et plus pur,
    Enivre de...

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    CHERCHANT plus haut que moi l’espoir de ma pensée,
    J’ai trouvé la douleur dont je voulais mourir ;
    Puisque je porte au cœur ta blessure insensée,
    O volupté sans nom de l’amour sans désir !

    — J’ai trouvé la douleur dont je voulais mourir. —
    Si tu vis sous les cieux, ma chaste fiancée,
    Je ne veux de pitié que dans ton souvenir,
    Blanche...

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    LA vie est comme une colline
    Dont l’aube éclaire le penchant,
    Prompte à gravir et qui s’incline
    Bientôt vers le soleil couchant.

    Heureux celui qui, sur le faite,...

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    DANS le vieil hôtel catholique
    J’aime surtout la grande cour
    Où veille un fantôme de tour
    Sur lequel un lierre s’applique.

    Un platane mélancolique
    Y garde avec un vague amour
    Une urne à l’austère contour
    Où dort, sans doute, une relique

    Dans sa niche aux coins vermoulus
    La vieille Pomone n’a plus
    De fruits à sa tête meurtrie...