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    À VICTOR CAPOUL

    On l’appelait la noctuelle pour
    ce qu’elle errait, chaque nuyct,
    blanche et eschevellée.
    (Vieux conte toulousain.)

    AU blanc soleil de minuit
    Qui semait d’argent la grève
    Elle allait, pâle et sans bruit.
    Le...

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    NOËL ! — En voyant, dans ses langes
    L’enfant radieux que tu fus,
    On m’a raconté que les anges
    Ont cru voir renaître Jésus.

    De l’azur déchirant les toiles,
    Ils volèrent du fond des cieux,
    A leur front portant des étoiles,
    Des fleurs dans leurs bras gracieux.

    Devant ton seuil fermant leur aile
    Ils chantèrent si doucement
    Qu’on...

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    Les morts vont vite.
    BURGËR.

    I

    Du front des sources qui, sans trêve,
    Se lamentent sous les gazons,
    Vers le ciel bleu des horizons
    Ils sont remontés, comme un rêve :

    Fils des terrestres éléments,
    Nés des pleurs éternels de l’onde,
    Plus haut que ses gémissements
    Ils ont fui par delà le monde !

    Et...

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    LE pied blanc de l’aube a laissé
    Des poussières d’argent sur l’herbe
    Et mis un pleur vite effacé
    Au cœur d’argent des lys superbes.
    — Ô les beaux matins de printemps
    Où le soleil, dans les rosées,
    Allume des fleurs irisées
    De feux légers et palpitants !

    Quand elle eut sur mon cœur joyeux
    Mis son pied, vivante lumière,
    Des...

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    COMME un cavalier noir sur sa route de feu,
    De la croupe des monts soulevant des buées,
    L’orage à l’horizon fouettant le ciel bleu,
    Éperonne d’éclairs la fuite des nuées.

    Il galope, sinistre, écrasant son chemin,
    Dans l’air épouvanté roulant un bruit d’armure
    Et, secouant la Mort aux ombres de sa main,
    Des souffles de la Nuit déchaîne le...

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    Pareille au fin réseau que sur sa gorge nue
    Psyché serrait, pleurant ses premières pudeurs,
    Une invisible mer balance sous la nue
    Le flux et le reflux des terrestres odeurs.

    Comme un sein virginal que traverse une haleine
    De parfums infinis, tièdes et pénétrants,
    Un souffle intérieur a visité la plaine
    Et soulève du sol un chœur d’esprits...

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    SUR l’amant et sur la maîtresse,
    L’Aube épanche un jour enchanté,
    Et le temps semble à leur ivresse
    Le seuil d’or d’une éternité.

    Et le premier frisson des brises,
    Baisant leurs fronts silencieux,
    Emporte leurs âmes surprises,
    D’une aile égale vers les cieux !

    Plus haut que le vol des colombes
    Et le dernier parfum des fleurs,...

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    Claisemés dans la moisson verte,
    Les pavots la vont rougissant
    Comme des piqûres ouvertes
    Au cou d’un animal puissant.

    Le vent qui roule son haleine
    Sur le flot onduleux du blé
    Fait haleter toute la plaine
    Comme un bœuf au soc attelé.

    O vaillante bête, ô nature,
    Sous l’aiguillon qui te torture,
    Voici que le printemps nouveau...

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    À SCOUTTETEN

    SUR les eaux et les bois descend la paix du soir
    Et, de l’horizon d’or, comme d’un encensoir,
    Honte un souffle attiédi qui vibre sous la nue.
    Derrière le taillis, la lune va frangeant
    Les nuages massifs d’un long frisson d’argent,
    Pour en faire un balcon à son épaule nue.

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    Après vingt ans d’exil, de cet exil impie
    Où l’oubli de nos cœurs enchaîne seul nos pas,
    Où la fragilité de nos regrets s’expie,
    Après vingt ans d’exil que je ne comptais pas,

    J’ai revu la maison lointaine et bien-aimée
    Où je rêvais, enfant, de soleils sans déclin,
    Où je sentais mon âme à tous les maux fermée
    Et dont, un jour de deuil, je...