• Puisque c'est ton métier, misérable poète,
    Même en ces temps d'orage, où la bouche est muette,
    Tandis que le bras parle, et que la fiction
    Disparaît comme un songe au bruit de l'action ;
    Puisque c'est ton métier de faire de ton âme
    Une prostituée, et que, joie ou douleur,
    Tout demande sans cesse à sortir de ton coeur ;
    Que du moins l'histrion, couvert d'un...

  • Vous connaissez que j'ai pour mie
    Une Andalouse à l'oeil lutin,
    Et sur mon coeur, tout endormie,
    Je la berce jusqu'au matin.

    Voyez-la, quand son bras m'enlace,
    Comme le col d'un cygne blanc,
    S'enivrer, oublieuse et lasse,
    De quelque rêve nonchalant.

    Gais chérubins ! veillez sur elle.
    Planez, oiseaux, sur notre nid ;
    Dorez du reflet...

  • Si ta bouche ne doit rien dire
    De ces vers désormais sans prix ;
    Si je n'ai, pour être compris,
    Ni tes larmes, ni ton sourire ;

    Si dans ta voix, si dans tes traits,
    Ne vit plus le feu qui m'anime ;
    Si le noble coeur de Monime
    Ne doit plus savoir mes secrets ;

    Si ta triste lettre est signée ;
    Si les gardiens d'un vieux tombeau...

  • Si vous croyez que je vais dire
    Qui j'ose aimer,
    Je ne saurais, pour un empire,
    Vous la nommer.

    Nous allons chanter à la ronde,
    Si vous voulez,
    Que je l'adore et qu'elle est blonde
    Comme les blés.

    Je fais ce que sa fantaisie
    Veut m'ordonner,
    Et je puis, s'il lui faut ma vie,
    La lui donner.

    Du mal qu'une amour ignorée...

  • Jungfrau, le voyageur qui pourrait sur ta tête
    S'arrêter, et poser le pied sur sa conquête,
    Sentirait en son coeur un noble battement,
    Quand son âme, au penchant de ta neige éternelle,
    Pareille au jeune aiglon qui passe et lui tend l'aile,
    Glisserait et fuirait sous le clair firmament.

    Jungfrau, je sais un coeur qui, comme toi, se cache.
    Revêtu, comme...

  • Puisque votre moulin tourne avec tous les vents,
    Allez, braves humains, où le vent vous entraîne ;
    Jouez, en bons bouffons, la comédie humaine ;
    Je vous ai trop connus pour être de vos gens.

    Ne croyez pourtant pas qu'en quittant votre scène,
    Je garde contre vous ni colère ni haine,
    Vous qui m'avez fait vieux peut-être avant le temps ;
    Peu d'entre...

  • Ulric, nul oeil des mers n'a mesuré l'abîme,
    Ni les hérons plongeurs, ni les vieux matelots.
    Le soleil vient briser ses rayons sur leur cime,
    Comme un soldat vaincu brise ses javelots.

    Ainsi, nul oeil, Ulric, n'a pénétré les ondes
    De tes douleurs sans borne, ange du ciel tombé.
    Tu portes dans ta tête et dans ton coeur deux mondes,
    Quand le soir, près de...

  • (En réponse à la question : Qu'est-ce que la Poésie ? )

    Chasser tout souvenir et fixer sa pensée,
    Sur un bel axe d'or la tenir balancée,
    Incertaine, inquiète, immobile pourtant,
    Peut-être éterniser le rêve d'un instant ;
    Aimer le vrai, le beau, chercher leur harmonie ;
    Écouter dans son coeur l'écho de son génie ;
    Chanter, rire, pleurer, seul, sans but,...

  • " Je vous ai vue enfant, maintenant que j'y pense,
    Fraîche comme une rose et le coeur dans les yeux.
    - Je vous ai vu bambin, boudeur et paresseux ;
    Vous aimiez lord Byron, les grands vers et la danse. "

    Ainsi nous revenaient les jours de notre enfance,
    Et nous parlions déjà le langage des vieux ;
    Ce jeune souvenir riait entre nous deux,
    Léger comme un...

  • Je méditais, courbé sur un volume antique,
    Les dogmes de Platon et les lois du Portique.
    Je voulus de la vie essayer le fardeau.
    Aussi bien, j'étais las des loisirs de l'enfance,
    Et j'entrai, sur les pas de la belle espérance,
    Dans ce monde nouveau.

    Souvent on m'avait dit : " Que ton âge a de charmes !
    Tes yeux, heureux enfant, n'ont point d'amères...