• I

    Depuis qu'au joug de fer blanche esclave enchaînée,
    Hellas avait fini sa belle destinée,
    Et qu'un dernier soupir, un souffle harmonieux
    Avait mêlé son ombre aux ombres de ses Dieux,
    Le César, dévoré d'une soif éternelle,
    Tarissait le lait pur de l'antique Cybèle.
    Pâle, la main sanglante et le coeur plein d'ennuis,
    D'une vague terreur...

  • La mer est grise, calme, immense,
    L'oeil vainement en fait le tour.
    Rien ne finit, rien ne commence
    Ce n'est ni la nuit, ni le jour.

    Point de lame à frange d'écume,
    Point d'étoiles au fond de l'air.
    Rien ne s'éteint, rien ne s'allume
    L'espace n'est ni noir, ni clair.

    Albatros, pétrels aux cris rudes,
    Marsouins, souffleurs, tout a...

  • C'est un monde difforme, abrupt, lourd et livide,
    Le spectre monstrueux d'un univers détruit
    Jeté comme une épave à l'Océan du vide,
    Enfer pétrifié, sans flammes et sans bruit,
    Flottant et tournoyant dans l'impassible nuit.
    Autrefois, revêtu de sa grâce première,
    Globe heureux d'où montait la rumeur des vivants,
    Jeune, il a fait ailleurs sa route de...

  • Le Jeune Homme divin, nourrisson de Délos,
    Dans sa khlamyde d'or quitte l'azur des flots ;
    De leurs baisers d'argent son épaule étincelle
    Et sur ses pieds légers l'onde amère ruisselle.
    A l'essieu plein de force il attache soudain
    La roue à jantes d'or, à sept rayons d'airain.
    Les moyeux sont d'argent, aussi bien que le siège.
    Le Dieu soumet au joug quatre...

  • Le Roi des Runes vint des collines sauvages.
    Tandis qu'il écoutait gronder la sombre mer,
    L'ours rugir, et pleurer le bouleau des rivages,
    Ses cheveux flamboyaient dans le brouillard amer.

    Le Skalde immortel dit : - Quelle fureur t'assiège,
    Ô sombre Mer ? Bouleau pensif du cap brumeux,
    Pourquoi pleurer ? Vieil Ours vêtu de poil de neige,
    De l'aube au...

  • Le secret de la vie est dans les tombes closes :
    Ce qui n'est plus n'est tel que pour avoir été ;
    Et le néant final des êtres et des choses
    Est l'unique raison de leur réalité.

    O vieille illusion, la première des causes !
    Pourquoi nous éveiller de notre éternité,
    Si, toi-même n'étant que leurre et vanité,
    Le secret de la vie est dans les tombes...

  • Perdu sur la montagne, entre deux parois hautes,
    Il est un lieu sauvage, au rêve hospitalier,
    Qui, dès le premier jour, n'a connu que peu d'hôtes ;
    Le bruit n'y monte pas de la mer sur les côtes,
    Ni la rumeur de l'homme : on y peut oublier.

    La liane y suspend dans l'air ses belles cloches
    Où les frelons, gorgés de miel, dorment blottis ;
    Un rideau d'...

  • Étant un vieux chasseur altéré de grand air
    Et du sang noir des boeufs, il avait l'habitude
    De contempler de haut les plaines et la mer,
    Et de rugir en paix, libre en sa solitude.

    Aussi, comme un damné qui rôde dans l'enfer,
    Pour l'inepte plaisir de cette multitude
    Il allait et venait dans sa cage de fer,
    Heurtant les deux cloisons avec sa tête rude....

  • Voici. Qaïn errait sur la face du monde.
    Dans la terre muette Ève dormait, et Seth,
    Celui qui naquit tard, en Hébron grandissait.
    Comme un arbre feuillu, mais que le temps émonde,
    Adam, sous le fardeau des siècles, languissait.

    Or, ce n'était plus l'Homme en sa gloire première,
    Tel qu'Iahvèh le fit pour la félicité,
    Calme et puissant, vêtu d'une mâle...

  • La lune n'était point ternie,
    Le ciel était tout étoilé ;
    Et moi, j'allai trouver Annie
    Dans les sillons d'orge et de blé.
    Oh ! les sillons d'orge et de blé !

    Le coeur de ma chère maîtresse
    Etait étrangement troublé.
    Je baisai le bout de sa tresse,
    Dans les sillons d'orge et de blé !
    Oh ! les sillons d'orge et de blé !

    Que sa...