Le Bernica

Perdu sur la montagne, entre deux parois hautes,
Il est un lieu sauvage, au rêve hospitalier,
Qui, dès le premier jour, n'a connu que peu d'hôtes ;
Le bruit n'y monte pas de la mer sur les côtes,
Ni la rumeur de l'homme : on y peut oublier.

La liane y suspend dans l'air ses belles cloches
Où les frelons, gorgés de miel, dorment blottis ;
Un rideau d'aloès en défend les approches ;
Et l'eau vive qui germe aux fissures des roches
Y fait tinter l'écho de son clair cliquetis.

Quand l'aube jette aux monts sa rose bandelette,
Cet étroit paradis, parfumé de verdeurs,
Au-devant du soleil, comme une cassolette,
Enroule autour des pics la brume violette
Qui, par frais tourbillons, sort de ses profondeurs.

Si Midi, du ciel pur, verse sa lave blanche,
Au travers des massifs il n'en laisse pleuvoir
Que des éclats légers qui vont, de branche en branche,
Fluides diamants que l'une à l'autre épanche,
De leurs taches de feu semer le gazon noir.

Parfois, hors des fourrés, les oreilles ouvertes,
L'oeil au guet, le col droit, et la rosée au flanc,
Un cabri voyageur, en quelques bonds alertes,
Vient boire aux cavités pleines de feuilles vertes,
Les quatre pieds posés sur un caillou tremblant.

Tout un essaim d'oiseaux fourmille, vole et rôde
De l'arbre aux rocs moussus, et des herbes aux fleurs :
Ceux-ci trempent dans l'eau leur poitrail d'émeraude ;
Ceux-là, séchant leur plume à la brise plus chaude,
Se lustrent d'un bec frêle aux bords des nids siffleurs.

Ce sont des choeurs soudains, des chansons infinies,
Un long gazouillement d'appels joyeux mêlé,
Ou des plaintes d'amour à des rires unies ;
Et si douces, pourtant, flottent ces harmonies,
Que le repos de l'air n'en est jamais troublé.

Mais l'âme s'en pénètre; elle se plonge, entière,
Dans l'heureuse beauté de ce monde charmant ;
Elle se sent oiseau, fleur, eau vive et lumière ;
Elle revêt ta robe, ô pureté première !
Et se repose en Dieu silencieusement.

Collection: 
1856

More from Poet

(Études latines, X)

Offre un encens modeste aux Lares familiers,
Phidylé, fruits récents, bandelettes fleuries ;
Et tu verras ployer tes riches espaliers
Sous le faix des grappes mûries.

Laisse, aux pentes d'Algide, au vert pays Albain,
La brebis, qui promet...

La lune sous la nue errait en mornes flammes,
Et la tour de Komor, du Jarle de Kemper,
Droite et ferme, montait dans l'écume des lames.

Sous le fouet redoublé des rafales d'hiver
La tour du vieux Komor dressait sa masse haute,
Telle qu'un cormoran qui regarde la...

Tandis qu'enveloppé des ténèbres premières,
Brahma cherchait en soi l'origine et la fin,
La Mâyâ le couvrit de son réseau divin,
Et son coeur sombre et froid se fondit en lumières.

Aux pics du Kaîlaça, d'où l'eau vive et le miel
Filtrent des verts figuiers et des...

Je pâlis et tombe en langueur :
Deux beaux yeux m'ont blessé le coeur.

Rose pourprée et tout humide,
Ce n'était pas sa lèvre en feu ;
C'étaient ses yeux d'un si beau bleu
Sous l'or de sa tresse fluide.

Je pâlis et tombe en langueur :
Deux beaux yeux m'...

Sur la montagne aux sombres gorges
Où nul vivant ne pénétra,
Dans les antres de Lipara
Hèphaistos allume ses forges.

Il lève, l'illustre Ouvrier,
Ses bras dans la rouge fumée,
Et bat sur l'enclume enflammée
Le fer souple et le dur acier.

Les...