• Je me souviens de mon enfance
    Et du silence où j'avais froid ;
    J'ai tant senti peser sur moi
    Le regard de l'indifférence.

    Ô jeunesse, je te revois
    Toute petite et repliée,
    Assise et recueillant les voix
    De ton âme presque oubliée.

  • Le bonheur est mélancolique.
    Le cri des plus joyeux oiseaux
    Paraît lointain comme de l'eau
    Où se noierait une musique.

    À l'oeil qui s'en repaît longtemps
    La couleur des fleurs est moins fraîche ;
    L'herbe a parfois l'air d'être sèche
    Sur le sein même du printemps.

    L'allégresse comme un mensonge
    Hausse sa note d'un degré
    Et l'...

  • Ma tête, penche-toi sur l'eau blanche et dénoue
    Dedans tes longs cheveux et que l'eau passe et joue
    Au travers, les emporte au mouvement des vagues
    Dans le sommeil flottant et végétal de l'algue.
    Que le glissement calme et murmurant de l'eau
    Entraîne hors de ton front cet impalpable flot
    De pensée et de rêve avec tes longues tresses
    Qui mêlent au...

  • Vivre du vert des prés et du bleu des collines,
    Des arbres racineux qui grimpent aux ravines,
    Des ruisseaux éblouis de l'argent des poissons ;
    Vivre du cliquetis allègre des moissons,
    Du clair halètement des sources remuées,
    Des matins de printemps qui soufflent leurs buées,
    Des octobres semeurs de feuilles et de fruits
    Et de l'enchantement lunaire au...

  • Il est né, j'ai perdu mon jeune bien-aimé,
    Je le tenais si bien dans mon âme enfermé,
    Il habitait mon sein, il buvait mes tendresses,
    Je le laissais jouer et tirailler mes tresses.
    À qui vais-je parler dans mon coeur à présent ?
    Il écoutait mes pleurs tomber en s'écrasant,
    Il était le printemps qui voit notre délire
    Gambader sur son herbe et qui ne peut...

  • Ma maison est assise au vent
    Dans une plaine sombre et nue
    Comme un tombeau pour un vivant
    Où s'agite ma chair menue.

    Les longs brouillards viennent frôler
    Au soir ma porte solitaire,
    Et je ne sais rien de la terre
    Que ma tristesse d'exilé.

  • Tu tettes le lait pur de mon âme sereine,
    Mon petit nourrisson qui n'as pas vu le jour,
    Et sur ses genoux blancs elle, berce la tienne
    En lui parlant tout bas de la vie au front lourd.

    Voici le lait d'esprit et le lait de tendresse,
    Voici le regard d'or qu'on jette sur les cieux ;
    Goûte près de mon coeur l'aube de la sagesse ;
    Car sur terre jamais...

  • Dans l'ombre de ce vallon
    Pointent les formes légères
    Du Rêve. Entre les bourgeons
    Et du milieu des fougères
    Émergent des fronts songeurs
    Dans leurs molles chevelures,
    Et des mamelles plus pures
    Que le calice des fleurs.

    Ô rêve, de cette écorce
    Dégage ton souple torse,
    Tes deux seins roses et blancs,
    Et laisse dans le...

  • Ô Beauté nue,
    Les oiseaux volent dans le calme
    Où la digitale remue,
    Où la fougère aux fines palmes
    Est encor d'un vert tendre au pied de l'aulne obscur.
    Une molle buée enveloppe l'azur,
    Allège les lointains, les arbres, les maisons,
    Noie à demi la ferme et le dormant gazon
    Et fait de la montagne une ombre aux lignes pures.
    Pas un souffle, pas...

  • Dans cette tasse claire où luit un cercle d'or
    J'ai versé du lait blanc pour ta lèvre vermeille.
    Comme un enfant dolent le long du corridor
    Un rayon de soleil s'étant couché sommeille.

    Vois, la mouche gourmande est plus sage que toi.
    Perchée au bord du vase où son aile se mouille,
    Avec sa trompe fine et subtile elle boit
    Tandis que le jour bleu...