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    J’aime entendre le vent qui sanglote dans l’ombre
    Durant les soirs brumeux de l’automne pâli,
    Lorsqu’il erre plaintif dans la campagne sombre
    Où le joyeux été repose enseveli.

    Fuyant de ses baisers les mortelles atteintes,
    Toutes les feuilles d’or quittent, d’un vol pressé,
    L’arbre qu’elles ornaient de leurs changeantes teintes
    Et qui demeure...

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    Nous sommes étrangers et passons sur la terre
    Comme un esquif léger qui fuit en se jouant
    Sous les furtifs baisers d’une brise légère,
    Et dans l’horizon bleu disparaît lentement ;

    Heureux si le sillon qu’il marque dans sa fuite
    Demeure quelque temps après qu’il a passé ;
    Si quelque tourbillon n’efface tout de suite
    Le chemin qu’en son cours...

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    Heure sainte du soir, que j’aime ton mystère,
    Où l’on sent palpiter quelque chose d’austère,
    Quelque chose qui touche à la divinité !
    La terre est près du ciel, dans ces heures dernières,
    A ce moment auguste où les grandes lumières
    Se fondent au couchant avec l’obscurité.

    La nacre, le carmin, le violet, l’orange,
    Se mêlent lentement à l’air d’...

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    Les héros les plus grands, ce sont les moins connus,
    Ce sont ceux qui dans l’ombre accomplissent leur tâche ;
    Qui, sans murmures vains, travaillent sans relâche,
    Puis rentrent dans la nuit dont ils étaient venus.

    Nul n’en connaît le nombre, intrépide phalange
    Prête à chaque péril, à chaque dévoûment,
    Et que l’on voit parfois briller obscurément,...

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    L’homme n’atteint jamais à l’idéal qu’il rêve :
    C’est en vain qu’ici-bas il cherche à le saisir ;
    Il ne peut y toucher, malgré tout son désir,
    Et devant lui, toujours, il le voit qui s’élève.

    Ainsi que Prométhée, à la terre fixé,
    Rongé par le désir qui le poursuit sans cesse,
    Il voit, le cœur rempli d’une immense tristesse,
    Flotter devant ses...

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    Hélas ! c’est donc ainsi que toute chose passe !
    Chaque jour qui s’enfuit n’est jamais racheté,
    Et le temps qui s’en va sans laisser nulle trace
    Nous porte lentement jusqu’à l’éternité.

    Mais nul ne connaît l’heure où la course s’achève.
    Alcyons fugitifs sur l’écume des flots,
    Nous allons, poursuivis par un semblable rêve,
    Mêlant la joie aux...

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    C’est bien loin, à Piora ; près du chemin sauvage
    Qui d’Airolo conduit à la verte hauteur,
    On voit sur un vieux roc qui date d’un autre âge
    Quelques mots de latin dont nul ne sait l’auteur.

    Les jours accumulés ont dégradé la pierre ;
    Depuis longtemps déjà tout est presque effacé,
    Et nul ne peut jeter un rayon de lumière
    Sur ce témoin étrange...

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    J’aurai vingt ans demain ! Faut-il pleurer ou rire ?
    Saluer l’avenir, regretter le passé,
    Et tourner le feuillet du livre qu’il faut lire,
    Qu’il intéresse ou non, qu’on aime ou soit lassé ?

    Vingt ans, ce sont les fleurs toutes fraîches écloses,
    Les lilas parfumés dans les feuillages verts,
    Les marguerites d’or et les boutons de roses
    Que le...

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    Il faisait gris dans ma demeure
    J’ai dit : « Dehors luit le soleil,
    Mon âme a besoin à cette heure
    De clartés et d’éclats vermeil ! »

    Il faisait triste dans la plaine ;
    J’ai dit : « Quittons l’obscurité ! »
    Et sur la sommité lointaine
    Avec espoir je suis monté.

    La montagne était pleine d’ombre ;
    J’ai dit : « Fuyons dans l’infini...

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    … Alors j’ouïs le bruit d’un océan qui roule
    Sous le fouet terrible des vents,
    Et je vis s’agiter une innombrable foule
    Toute pareille aux flots mouvants.
    Et les cœurs frémissaient d’une horrible colère,
    Pâmés en des transports ardents ;
    Et, dans les rangs pressés, le tigre populaire
    S’éveillait en grinçant des dents.
    Hommes, femmes,...