• À ma sœur madame Sophie Lafaye.

    I

    La petite maison à mine sépulcrale,
    Noire et basse, en plein nord, près de la cathédrale,
    Quand j’avais visité la ville, m’avait plu
    Par son air clérical, discret et vermoulu.
    L’espalier de la porte avec ses quelques roses
    Qui, pâles, se mouraient le long des...

  • À Julien Travers.

    On n’a pu l’emmener qu’à la dernière danse.
    C’était son premier bal, songez ! et la prudence
    De sa mère a cédé jusqu’au bout au désir
    De la voir, embellie encor par le plaisir,
    Résister du regard au doigt qui lui fait signe,
    Ou venir effleurer, d’un air qui se résigne,
    L’oreille maternelle où sa...

  •  
    I

    Dans les promenades publiques,
    Les beaux dimanches, on peut voir
    Passer, troupes mélancoliques,
    Des petites filles en noir.

    De loin, on croit des hirondelles :
    Robes sombres et grands cols blancs ;
    Et le vent met des frissons d’ailes
    Dans les légers camails tremblants.

    Mais quand, plus près des écolières,
    On les voit se...

  •  

    JADIS, lorsque, dans un voyage,
    Le Roi de Perse rencontrait
    Un cèdre énorme au noir feuillage,
    Aïeul de toute une forêt,
    Par son orfèvre il faisait mettre
    Un cercle d’or autour du tronc,
    Pour que le verdoyant ancêtre
    Fût épargné du bûcheron.
    Dans le cours de la vie humaine,
    Moi, j’ai rencontré sous mes pas
    Un...

  •  
    Devant la mer, assis au seuil de leur maison,
    La veuve du marin et son jeune garçon
    Sont en grand deuil. Hélas ! l’équinoxe d’automne
    A fait d’affreux malheurs sur la côte bretonne ;
    Et c’est pourquoi, rêveurs devant le ciel du soir,
    Cette femme et son fils sont habillés de noir.
    Ah ! dans ce lac paisible où, sous la brise fraîche,
    Viennent de...

  •  
    Sous l’éclat blanc du jour, sous la fraîcheur des cèdres,
    Sous la nuit où poudroie un peuple de soleils,
    Longtemps j’ai promené mes souvenirs, pareils
    Aux tragiques douleurs des Saphos et des Phèdres ;

    Mais l’azur clair, les bois profonds, les blondes nuits
    En moi n’ont point versé leurs influences calmes ;
    Sous les astres, sous les rayons et sous...

  •  
    Les longs récits autour du poêle, à la caserne,
    La guinguette et l’amour ne sont plus de saison.
    Boucle ton sac et sangle à tes reins la giberne ;
    Conscrit, le régiment change de garnison.

    La route est sèche et blanche, et lointain l’horizon ;
    Si tes pieds sont meurtris, marche dans la luzerne,
    Et ne regarde pas le houx de la taverne ;
    Les...

  • Le marchand de cercueils vient de trousser ses manches
    Et rabote en sifflant, les pieds dans les copeaux.
    L’année est bonne ; il n’a pas le moindre repos
    Et même il ne boit plus son gain tous les dimanches.

    Tout en jouant parmi les longues bières blanches,
    Ses enfants, deux blondins tout roses et dispos,
    Quand passe un corbillard, lui tirent leurs chapeaux...

  • À Sully-Prudhomme.

    D’être ou de n’être pas je n’ai point eu le choix,
    Mais, dans ce siècle vide, ennuyeux et bourgeois
    Je suis comme un enfant volé par des tziganes,
    Qui chassa les oiseaux avec des sarbacanes,
    Et devint saltimbanque et joueur de guzla.
    Longtemps il n’a mangé que le pain qu’il vola,
    Et, comme un...

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    À José Maria de Heredia.

    Sous les pleurs du jet d’eau qui bruit dans la vasque,
    Armide étreint les flancs du héros enchaîné.
    Près d’Ares, qui de sang ruisselle, Dioné
    Mêle ses fins cheveux aux crins rudes d’un casque

    Donc, ô femme, toujours ton caprice fantasque
    Aux boucles des brassards s’accroche fasciné.
    Ton orgueil, par le glaive...