• Tout vit,tout aime ! et moi, triste et seul, je me dresse
    Ainsi qu’un arbre mort sur le ciel du printemps.
    Je ne peux plus aimer, moi qui n’ai que trente ans,
    Et je viens de quitter sans regrets ma maîtresse.

    Je suis comme un malade aux pensers assoupis
    Et qui, plein de l’ennui de sa chambre banale,
    N’a pour distraction stupide et machinale,
    Que de...

  •  

    J’ai vu des hardes surannées
    Dans la boutique d’un fripier ;
    Telle sera, dans peu d’années,
    Ma pauvre gloire de papier.

    On me lit. Soit. J’en ai des preuves
    On réimprime encor mes vers.
    J’apprends, par les paquets d’épreuves,
    eue mes lauriers sont toujours verts.

    Mais, hélas ! tout passe et tout lasse.
    Les meilleurs et les plus...

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    Timour-Leng, conquérant de l’Inde et de la Perse,
    Qui, comme des moutons que le lion disperse,
    Vit fuir devant ses pas les peuples par troupeaux,
    Le grand Timour, avait le culte des tombeaux.
    Et lorsque ses Mongols avaient pris une ville
    Et qu’ils avaient traité la population vile
    Comme un champ de blé mûr que moissonne la faux,
    Lorsqu’ils...

  •  

    NUL ne sait s’amuser que les petites gens,
    Dont le repos plus rare a la gaîté plus franche.
    Je m’en vais aujourd’hui ― c’est l’été, c’est dimanche ! ―
    Laisser mes prétendus plaisirs intelligents.

    Ma mignonne, les nids vibrent de joyeux chants ;
    Dans le ciel enivré la lumière s’épanche.
    Je veux, par les blés verts, suivre ta robe...

  • Toi que j’ai vu pareil au chêne foudroyé,
    Je te retrouve époux, je te retrouve père ;
    Et sur ce front songeant à la mort qui libère,
    Jadis le pistolet pourtant s’est appuyé.

    Tu ne peux pas l’avoir tout à fait oublié.
    Tu savais comme on souffre et comme on désespère ;
    Tu portais dans ton sein l’infernale vipère
    D’un grand amour trahi, d’un grand...

  •  
    Dans le flot des manants qui devant eux s’entr’ouvre,
    Deux raffinés, allant par le Pont-Neuf au Louvre,
    Causent joyeusement, bras dessus, bras dessous.

    Ils sont, en vérité, charmants, les jeunes fous !
    L’ombre que sur leurs yeux jette le feutre à plume
    Fait briller leurs regards que la vaillance allume,
    Et leur rire amical est encor belliqueux....

  • J’ai crié dans la solitude :
    « Mon chagrin sera-t-il moins rude,
    Un jour, quand je dirai son nom ? »
     
    Et l’écho m’a répondu : « Non. »
     
    « Comment vivrai-je, en la détresse
    Qui m’enveloppe & qui m’oppresse,
    Comme fait au mort son linceul ? »
     
    Et l’écho m’a répondu : « Seul ! »

    « Grâce ! le sort est trop sévère !
    ...

  • Il fait nuit. – Et la voûte est ténébreuse où monte,
    Par la sonorité du bâtiment de fonte,
    Le jet de vapeur blanche au sifflement d’enfer,
    Hennissement affreux du lourd cheval de fer
    Qui vient à reculons et lui-même s’attelle,
    Avec un bruit strident d’enclume qu’on martèle,
    Au long train des wagons béants le long du quai.
    Attirés par ce bruit de fer...

  • Je pris le bateau-mouche au bas du Pont-Royal ;
    Et sur un banc devant le public trivial ;
    – O naïve impudeur ! ô candide indécence ! –
    Je vis un ouvrier avec sa connaissance,
    Qui se tenaient les mains, malgré les curieux,
    Et qui se regardaient longuement dans les yeux.
    Ils restèrent ainsi tout le long de la Seine,
    Sans faire attention au petit rire...

  • Sur le rempart, portant mon lourd fusil de guerre,
    Je vous revois, pays que j’explorais naguère,
    Montrouge, Gentilly, vieux hameaux oubliés
    Qui cachez vos toits bruns parmi les peupliers.
    Je respire, surpris, sombre ruisseau de Bièvre,

    Ta forte odeur de cuir et tes miasmes de fièvre.
    Je vous suis du regard, pauvres coteaux pelés,
    Tels encor que jadis...