• Je n’ai jamais compris l’ambition. Je pense
    Que l’homme simple trouve en lui sa récompense,
    Et le modeste sort dont je suis envieux,
    Si je travaille bien et si je deviens vieux,
    Sans que mon cœur de luxe ou de gloire s’affame,
    C’est celui d’un vieil homme avec sa vieille femme,
    Aujourd’hui bons rentiers, hier petits marchands,
    Retirés tout au bout du...

  •  
    Le devin Thoutmès quatre est mort, et sa momie
    Est dans son hypogée à jamais endormie ;
    Thoutmès quatre est au rang des dieux-rois. Et son fils,
    Le nouveau pharaon d’Egypte, Aménophis,
    A pris possession du trône de son père.
    Coiffé du bandeau d’or où se tord la vipère,
    Le torse droit, les mains sur les cuisses, les yeux
    Perdus dans on ne sait...

  • Ô France ! je sais bien que, dans cette tuerie,
    À celui qui dira : pitié ! pudeur ! patrie !
         Ces acharnés répondront : Non !
    Que tout espoir de paix est presque une chimère ;
    Mais je serai l’écho de ta douleur de mère
         Parmi l’orage du canon.

    Je sais que le massacre aux cent voix furieuses
    Et que le crachement hideux des mitrailleuses...

  •  

    SAIS-TU que voilà dix ans, ma sincère,
    Que nous nous aimons si fort et si bien ?
    Et c’est, pour ma route, un poids nécessaire,
    Ton bras confiant posé sur le mien.

    Le charme profond par qui tu m’attires,
    Pour jamais, ma douce, a su me fixer,
    Depuis le moment où nos deux sourires
    Se sont confondus en un seul baiser.

    Je m’...

  •  

    « POUR toujours ! » me dis-tu, le front sur mon épaule.
    Cependant nous serons séparés, c’est le sort.
    L’un de nous le premier sera pris par la mort
    Et s’en ira dormir sous l’if ou sous le saule.

    Vingt fois, les vieux marins qui flânent sur le môle
    Ont vu, tout pavoisé, ce brick rentrer au port ;
    Puis, un jour, le navire est parti...

  • L’espoir divin qu’à deux on parvient à former
    Et qu’à deux on partage,
    L’espoir d’aimer longtemps, d’aimer toujours, d’aimer
    Chaque jour davantage ;

    Le désir éternel, chimérique et touchant,
    Que les amants soupirent,
    A l’instant adorable où, tout en se cherchant,
    Leurs lèvres se respirent ;

    Ce désir décevant, ce cher espoir trompeur,
    ...

  •  

    QUOI ? Toujours l’éternel regret !
    Toujours l’Alsace et la Lorraine !
    Mais la perte est déjà lointaine ;
    Un peuple pratique oublierait.

    N’avez-vous pas l’instinct secret
    Que ce serait la paix certaine,
    Si nous abjurions notre haine,
    Et qu’enfin l’on désarmerait ?

    Quand un arbre perd une branche,
    En meurt-il ? Nos...

  • Ce n’est pas qu’elle fût bien belle ;
    Mais nous avions tous deux vingt ans,
    Et ce jour-là, – je me rappelle, –
    Était un matin de printemps.

    Ce n’est pas qu’elle eût l’air bien grave ;
    Mais je jure ici que jamais
    ]e n’ai rien osé de plus brave
    Que de lui dire que j’aimais.

    Ce n’est pas qu’elle eût le cœur tendre ;
    Mais c’était si...

  • Un liseron, madame, aimait une fauvette.
    – Vous pardonnerez bien cette idée au poète
    Qu’une plante puisse être éprise d’un oiseau. –
    Un liseron des bois, éclos près d’un ruisseau,
    Au fond du parc, au bout du vieux mur plein de brèches,
    Et qui, triste, rampait parmi les feuilles sèches,
    Écoutant cette voix d’oiseau dans un tilleul,
    Était au désespoir...

  • À Madame Eugénie Doche.

    C’est l’aurore et c’est l’avril,
    Lui dit-il,
    Viens, la rosée étincelle.
    – Le vallon est embaumé :
    Viens, c’est mai
    Et c’est l’aube, lui dit-elle

    Et dans le bois abritant
    Un étang,
    Où les chevreuils viennent boire,
    Ils sont allés, les heureux
    Amoureux,
    ...