• A Maggie

    Octobre m'apparaît comme un parc solitaire :
    Les mûres frondaisons commencent à brunir.
    Et des massifs muets monte une odeur légère,
    Cet arôme plus doux des fleurs qui vont mourir.

    L'étang, les yeux voilés, rêve, plein de mystère,
    Au fantôme ondoyant de quelque souvenir ;
    Une langueur exquise a pénétré la terre,
    Le temps même a plié...

  • A Madame E.B.

    Un soir que vous rêviez assise au bord des grèves
    Vint s'étendre à vos pieds un harpeur de Quimper.
    Les rêves qu'il chantait ressemblaient à vos rêves
    Comme le bruit des pins aux rumeurs de la mer.

    Il disait la beauté de la terre océane,
    Son sortilège lent, délicat et secret,
    Et c'était votre charme, ô soeur de Viviane,
    Qu'en...

  • C'est un soir d'octobre, à Beg-Meil.

    Par les marches de l'étendue,
    Rouges encor d'un sang vermeil,
    La nuit pieuse est descendue
    Pour ensevelir le soleil.

    De ses mains ferventes et pures,
    Elle a couché l'astre vital
    Dans les somptueuses guipures
    Du grand linceul occidental,

    Et voici qu'au gouffre atlantique
    Où le mort...

  • A Reine-Anne

    Voici venir vers nous le soir aux yeux de cendre,
    Clairs encor d'un reflet de la braise du jour
    Dans le couchant d'août, ma mie, allons l'attendre,
    Parmi l'or pâlissant de notre été d'amour.

    Nous lui dirons : « Sois pur, soir pacifique et tendre,
    Fraîcheur des champs brûlés, repos des membres lourds,
    Oh ! ne te hâte point, soir...

  • Le son de la Syrinx est doux au soir tranquille.
    Faune ! Pour t'écouter la Nymphe des roseaux
    A quitté sa retraite, et l'on voit sur les eaux
    Comme un cygne glisser sa forme juvénile. [...]

  • Je sortais d'une orgie âcre et stupéfiante
    Où ma raison avait brûlé comme un sarment ;
    Plus lourde que le plomb, l'atmosphère ambiante
    Faisait craquer mes os tordus d'accablement.
    La fièvre secouait les cloisons de ma tempe,
    Et dans le cercle blanc et rouge de la lampe
    L'horreur des visions tournait cruellement.

    Des parfums féminins se mêlaient...

  • Quand je reposerai dans la fosse, tranquille,
    Ayant autour de moi l'ombre éternellement ;
    Quand mes membres auront perdu le mouvement.
    Et mes orbites creux le regard qui scintille ;

    Cet être qui fut moi, ce pauvre rien fragile,
    Oublié dormira - pour jamais ossement -
    Et, loin du ciel voilé, silencieusement,
    Rien ne remuera plus sous la couche d'...

  • Me vient sourire en votre doux sourire,
    Me vient chagrin en vos minces chagrins,
    Me vient désir en vos désirs sans freins,
    Me vient lyrisme alors qu'êtes ma lyre.

    Me vient délire en vos nuits de délire,
    Me vient douceur en vos moments sereins,
    Me vient musique en vos chants souverains,
    Me vient fureur à l'heure de votre ire.

    Me vient...

  • Enterrement étrange !
    Un ange
    Est cloué dans un cercueil.
    Quatre lourdes guitares
    Bizarres
    Cahotant, mènent le deuil.

    Dans une âcre fumée
    Formée
    Par les pipes de l'amant,
    L'ombre de la maîtresse
    Traîtresse
    S'avance tranquillement.

    Plus loin, une bouteille
    Très vieille,
    Dont on a bu le cognac,
    Sur le pavé...

  • Je te vois anxieuse et belle de pâleur ;
    Le sang fiévreux afflue et palpite à tes tempes.
    Ferme les yeux, prends-moi plus près de toi, sois tendre,
    Et que ma chair se fonde à ta bonne chaleur.

    La force du désir gonfle ta gorge en fleur ;
    Un sanglot fait mourir tes caresses plus lentes,
    Et le bruit de nos coeurs tombe au fond du silence.
    Mes lèvres...