• J'admire, dédaigneux des vagues mélopées
    Qu'entonnent nos rimeurs sinistres ou plaintifs,
    L'épanouissement des vastes épopées
    Balançant leurs parfums dans les vents primitifs.

    Les jeunes univers dilatés et sonores,
    S'abreuvaient de la vie, éparse dans les airs,
    Et la virginité des naïves aurores
    D'une lumière fraîche arrosait les cieux clairs.
    ...

  • Puisse ma libre vie être comme la lande
    Où sous l'ampleur du ciel ardent d'un soleil roux,
    Les fourrés de kermès et les buissons de houx
    Croissent en des senteurs de thym et de lavande.

  • À Henri Winter.

    Minuit faisait jaillir, comme des étincelles,
    Les gerbes de ses sons qui, palpitant des ailes,
    Montaient et vibraient en tremblant,
    L'air était sec et vif ; la nuit calme et splendide ;
    Et le dôme du ciel, sans vapeur et sans ride,
    Était couvert d'or scintillant.

    La lune avait tendu les blancheurs de son voile ;
    On eût dit qu'...

  • Quand je n'ai pas le coeur prêt à faire autre chose,
    Je sors et je m'en vais, l'âme triste et morose,
    Avec le pas distrait et lent que vous savez,
    Le front timidement penché vers les pavés,
    Promener ma douleur et mon mal solitaire
    Dans un endroit quelconque, au bord d'une rivière,
    Où je puisse enfin voir un beau soleil couchant.

    O les rêves alors que je...

  • J'écoutais dans la paix du soir,
    Sous la pâleur du ciel mystique,
    Les sons pieux que laissent choir
    Les cloches de la basilique.

    Et j'évoquais au loin leur voix,
    A la fois grave et triomphale,
    Quand elles sonnaient autrefois
    Les angélus de cathédrale,

    Au temps heureux, trois fois béni,
    Où, dès l'aube, souvent ma mère
    Me retrouvait...

  • Il mourut en avril, à la fin du carême.

    C'était un grand garçon, un peu maigre et très blême,
    Qui servait à la messe et chantait au salut.
    On en eût fait un prêtre, un jour: c'était le but ;
    Du moins, on en parlait souvent au réfectoire.
    Il conservait le tiers de ses points en histoire,
    Et lisait couramment le grec et le latin.
    C'était lui qui sonnait...

  • Un ami me parlait et me regardait vivre :
    Alors, c'était mourir... mon jeune âge était ivre
    De l'orage enfermé dont la foudre est au coeur ;
    Et cet ami riait, car il était moqueur.
    Il n'avait pas d'aimer la funeste science.
    Son seul orage à lui, c'était l'impatience.
    Léger comme l'oiseau qui siffle avant d'aimer,
    Disant : " Tout feu s'éteint, puisqu'il peut s...

  • Puisque c'est toi qui veux nouer encore
    Notre lien,
    Puisque c'est toi dont le regret m'implore,
    Ecoute bien :

    Les longs serments, rêves trempés de charmes,
    Ecrits et lus,
    Comme Dieu veut qu'ils soient payés de larmes,
    N'en écris plus !

    Puisque la plaine après l'ombre ou l'orage
    Rit au soleil,
    Séchons nos yeux et reprenons courage,...

  • Quand le fil de ma vie (hélas, il tient à peine ! )
    Tombera du fuseau qui le retient encor ;
    Quand ton nom, mêlé dans mon sort,
    Ne se nourrira plus de ma mourante haleine ;
    Quand une main fidèle aura senti ma main
    Se refroidir sans lui répondre ;
    Quand mon dernier espoir, qu'un souffle va confondre,
    Ne trouvera plus ton chemin ;
    Prends mon deuil : un...

  • Reprends de ce bouquet les trompeuses couleurs,
    Ces lettres qui font mon supplice,
    Ce portrait qui fut ton complice ;
    Il te ressemble, il rit, tout baigné de mes pleurs.

    Je te rends ce trésor funeste,
    Ce froid témoin de mon affreux ennui.
    Ton souvenir brûlant, que je déteste,
    Sera bientôt froid comme lui.

    Oh ! Reprends tout. Si ma main...