• À Berthel.

    Avec une jeune veuve,
    Tendre encor, j'en ai la preuve,
    Parlant breton et français
    En causant de mille choses,
    Par la bruyère aux fleurs roses,
    Tout en causant je passais.

    C'était en juin, la chaleur était grande
    Sur le sentier qui partage la lande,
    Au beau soleil se chauffait un lézard ;
    Et dans ses tours, ses...

  • Ô maison du Moustoir ! combien de fois la nuit,
    Ou quand j'erre le jour dans la foule et le bruit,
    Tu m'apparais ! - Je vois les toits de ton village
    Baignés à l'horizon dans des mers de feuillage,
    Une grêle fumée au-dessus, dans un champ
    Une femme de loin appelant son enfant,
    Ou bien un jeune pâtre assis près de sa vache,
    Qui, tandis qu'indolente elle...

  • C'est un petit chat noir effronté comme un page,
    Je le laisse jouer sur ma table souvent.
    Quelquefois il s'assied sans faire de tapage,
    On dirait un joli presse-papier vivant.

    Rien en lui, pas un poil de son velours ne bouge ;
    Longtemps, il reste là, noir sur un feuillet blanc,
    A ces minets tirant leur langue de drap rouge,
    Qu'on fait pour essuyer les...

  • Ils perdirent l'étoile, un soir ; pourquoi perd-on
    L'étoile ? Pour l'avoir parfois trop regardée,
    Les deux rois blancs, étant des savants de Chaldée,
    Tracèrent sur le sol des cercles au bâton.
    Ils firent des calculs, grattèrent leur menton,
    Mais l'étoile avait fui, comme fuit une idée.
    Et ces hommes dont l'âme eût soif d'être guidée
    Pleurèrent, en...

  • Je t'adore, Soleil ! ô toi dont la lumière,
    Pour bénir chaque front et mûrir chaque miel,
    Entrant dans chaque fleur et dans chaque chaumière,
    Se divise et demeure entière
    Ainsi que l'amour maternel !

    Je te chante, et tu peux m'accepter pour ton prêtre,
    Toi qui viens dans la cuve où trempe un savon bleu
    Et qui choisis, souvent, quand tu veux...

  • Nous étions, ce soir-là, sous un chêne superbe
    (Un chêne qui n'était peut-être qu'un tilleul)
    Et j'avais, pour me mettre à vos genoux dans l'herbe,
    Laissé mon rocking-chair se balancer tout seul.

    Blonde comme on ne l'est que dans les magazines
    Vous imprimiez au vôtre un rythme de canot ;
    Un bouvreuil sifflotait dans les branches voisines
    (Un bouvreuil...

  • L'étang dont le soleil chauffe la somnolence
    Est fleuri, ce matin, de beaux nénuphars blancs ;
    Les uns, sortis de l'eau, se dressent tout tremblants,
    Et dans l'air parfumé leur tige se balance.

    D'autres n'ont encor pu fièrement émerger :
    Mais leur fleur vient sourire à la surface lisse.
    On les voit remuer doucement et nager :
    L'eau frissonnante...

  • J'eusse été citoyen de quelque république
    Songe de Pythagore, oeuvre d'un Dorien,
    Harmonieux état réglé par la musique,
    Où la loi se conforme au rythme aérien.

    Puis, dans une agora, j'aurais avec ivresse
    Admiré longuement les poses et les sons
    De ces beaux orateurs dont la phrase caresse
    L'oreille inattentive aux rigides leçons,

    Et...

  • Si, tous les matins de nos fêtes,
    Nous chantions tous avec amour
    Sur les harpes des saints prophètes
    Nos prières qui sont parfaites,
    Je ne serais pas dans la cour.

    Si nous récitions nos prières
    Dans le crépuscule du soir
    Avec des lèvres régulières,
    Avant d'allumer les lumières,
    Je ne serais pas au chauffoir.

    Si les yeux...

  • Oh ! peindre tes cheveux du bleu de la fumée,
    Ta peau dorée et d'un ton tel qu'on croit voir presque
    Une rose brûlée ! et ta chair embaumée,
    Dans des grands linges d'ange, ainsi qu'en une fresque,

    Qui font plus brun ton corps gras et fin de mauresque,
    Qui fait plus blanc ton linge et ses neiges d'almée,
    Ton front, tes yeux, ton nez et ta lèvre pâmée...