Hymne au soleil

Je t'adore, Soleil ! ô toi dont la lumière,
Pour bénir chaque front et mûrir chaque miel,
Entrant dans chaque fleur et dans chaque chaumière,
Se divise et demeure entière
Ainsi que l'amour maternel !

Je te chante, et tu peux m'accepter pour ton prêtre,
Toi qui viens dans la cuve où trempe un savon bleu
Et qui choisis, souvent, quand tu veux disparaître,
L'humble vitre d'une fenêtre
Pour lancer ton dernier adieu !

Tu fais tourner les tournesols du presbytère,
Luire le frère d'or que j'ai sur le clocher,
Et quand, par les tilleuls, tu viens avec mystère,
Tu fais bouger des ronds par terre
Si beaux qu'on n'ose plus marcher !

Gloire à toi sur les prés! Gloire à toi dans les vignes !
Sois béni parmi l'herbe et contre les portails !
Dans les yeux des lézards et sur l'aile des cygnes !
Ô toi qui fais les grandes lignes
Et qui fais les petits détails!

C'est toi qui, découpant la soeur jumelle et sombre
Qui se couche et s'allonge au pied de ce qui luit,
De tout ce qui nous charme as su doubler le nombre,
A chaque objet donnant une ombre
Souvent plus charmante que lui !

Je t'adore, Soleil ! Tu mets dans l'air des roses,
Des flammes dans la source, un dieu dans le buisson !
Tu prends un arbre obscur et tu l'apothéoses !
Ô Soleil ! toi sans qui les choses
Ne seraient que ce qu'elles sont !

Collection: 
1888

More from Poet

  • L'étang dont le soleil chauffe la somnolence
    Est fleuri, ce matin, de beaux nénuphars blancs ;
    Les uns, sortis de l'eau, se dressent tout tremblants,
    Et dans l'air parfumé leur tige se balance.

    D'autres n'ont encor pu fièrement émerger :
    Mais leur fleur vient...

  • Nous étions, ce soir-là, sous un chêne superbe
    (Un chêne qui n'était peut-être qu'un tilleul)
    Et j'avais, pour me mettre à vos genoux dans l'herbe,
    Laissé mon rocking-chair se balancer tout seul.

    Blonde comme on ne l'est que dans les magazines
    Vous imprimiez au...

  • Je t'adore, Soleil ! ô toi dont la lumière,
    Pour bénir chaque front et mûrir chaque miel,
    Entrant dans chaque fleur et dans chaque chaumière,
    Se divise et demeure entière
    Ainsi que l'amour maternel !

    Je te chante, et tu peux m'accepter pour ton prêtre,
    Toi...

  • Ils perdirent l'étoile, un soir ; pourquoi perd-on
    L'étoile ? Pour l'avoir parfois trop regardée,
    Les deux rois blancs, étant des savants de Chaldée,
    Tracèrent sur le sol des cercles au bâton.
    Ils firent des calculs, grattèrent leur menton,
    Mais l'étoile avait fui,...

  • C'est un petit chat noir effronté comme un page,
    Je le laisse jouer sur ma table souvent.
    Quelquefois il s'assied sans faire de tapage,
    On dirait un joli presse-papier vivant.

    Rien en lui, pas un poil de son velours ne bouge ;
    Longtemps, il reste là, noir sur un...