• À Rodolphe Darzens.

    L'ennui descend sur moi comme un brouillard d'automne
    Que le soir épaissit de moment en moment,
    Un ennui lourd, accru mystérieusement,
    Qui m'opprime de nuit épaisse et monotone.

    Pourtant nul glorieux amour ne m'a blessé,
    Et c'est sans regretter les heures envolées
    Que je revois au loin, vagues formes voilées,
    Mes...

  • Je disais : " Quand viendra la reine que j'attends,
    La grande fiancée aux mains victorieuses,
    Je trouverai des paroles mystérieuses,
    Des mots couleur de ciel, d'aurore et de printemps.

    " Et, comme réveillé d'un sommeil de cent ans
    Par le baiser de ses lèvres impérieuses,
    Pour dire nos amours pâles et merveilleuses
    Je chanterai d'antiques hymnes...

  • Vos cheveux me faisaient rêver au blond Septembre,
    Vos lèvres évoquaient la splendeur du Printemps,
    Et près de vous, ainsi qu'un lointain parfum d'ambre
    Je respirais dans l'air des souvenirs flottants.

    Vos yeux que j'emplissais de mes propres pensées,
    Inconscients et doux, dans le bruissement
    Du silence, parlaient des heures dépensées,
    Et je me...

  • Un calme soir caresse au loin les belles plaines ;
    L'Étoile du Berger, au fond du ciel d'été,
    Comme un signe de gloire et de félicité
    Resplendit sur les prés et sur les granges pleines.

    Grande et droite sous le fardeau des lourdes gerbes,
    Une fille aux pieds nus, d'un pas robuste et lent,
    S'avance dans les champs silencieux, foulant
    Les ronces et...

  • Cette nuit, au-dessus des quais silencieux,
    Plane un calme lugubre et glacial d'automne.
    Nul vent. Les becs de gaz en file monotone
    Luisent au fond de leur halo, comme des yeux.

    Et, dans l'air ouaté de brume, nos voix sourdes
    Ont le son des échos qui se meurent, tandis
    Que nous allons rêveusement, tout engourdis
    Dans l'horreur du soir froid plein...

  • C'est un soir calme, un soir de fête.
    En bas, dans le noir, vers Paris
    A peine encore quelque faîte
    D'église perce le soir gris.

    Puis les ombres amoncelées
    Submergent les derniers clochers,
    Et je pense aux mers contemplées
    Autrefois du haut des rochers.

    Les clartés de Paris, tremblantes,
    Fourmillent sous le ciel d'hiver,
    ...

  • Tu parlais de choses anciennes,
    De riches jardins somnolents
    Que de nobles musiciennes
    Troublent, le soir, d'échos dolents ;

    Et de chapelles où s'attardent
    Les princesses en oraison ;
    Et de lits féodaux que gardent
    Toutes les bêtes du blason.

    Hélas ! tes paroles amies
    Pour mon coeur avide et lassé
    Ont réveillé ces endormies...

  • En son manteau d'argent tissé par les prêtresses,
    La vierge s'en allait vers les jeunes cités,
    Et la nuit l'effleurait de mystiques caresses,
    Et le vent lui parlait de longues voluptés.

    Or, c'était en un siècle où les rois faisaient taire
    Les joueurs de syrinx épars dans le printemps ;
    Les sages enseignaient aux peuples de la terre
    L'horreur des...

  • Maintenant j'ai revu les moissons oubliées,
    Et, dans la paix des soirs pleins de saines senteurs,
    Les rudes moissonneurs, près des gerbes liées,
    Croisant leurs bras avec des gestes de lutteurs.

    Maintenant j'ai revu les forêts et les plaines
    Et j'ai marché dans les pâturages herbeux ;
    Ma gorge a respiré les puissantes haleines
    Qui montent du sol...

  • Seigneur ! je suis sans pain, sans rêve et sans demeure.
    Les hommes m'ont chassé parce que je suis nu,
    Et ces frères en vous ne m'ont pas reconnu
    Parce que je suis pâle et parce que je pleure.

    Je les aime pourtant comme c'était écrit
    Et j'ai connu par eux que la vie est amère,
    Puisqu'il n'est pas de femme qui veuille être ma mère
    Et qu'il n'est...