• Je l'ai cueilli ! je l'ai goûté,
    Le beau fruit qui enivre
    D'orgueil, et je vis !
    Je l'ai goûté de mes lèvres
    Le fruit délicieux de vertige infini.
    Mon âme chante, mes yeux s'ouvrent,
    Je suis égale à Dieu !

    Un autre monde de beauté
    S'étend devant mes rêves ;
    De toutes choses sur la terre se lèvent
    De nouvelles clartés.
    Ah !...

  • Ève pleurait. Ses mains cachaient sa tête pâle.
    C'était le premier soir mortel.
    Des êtres lumineux descendirent du ciel,
    Et l'air s'emplit du chant de leur voix amicale.

    Regarde, disaient-ils, si, dans ce soir d'été,
    Tout devant nous pâlit et tremble,
    C'est que le choeur entier des anges te ressemble,
    C'est que Dieu ne nous fit que selon ta beauté....

  • L'herbe est molle et profonde
    Sous les branches qui pendent,
    Lourdes de fruits et de fleurs blanches ;
    Lourde est la senteur enivrante,
    Et douce est l'ombre. On s'y étend ;
    Un sourd sommeil coule dans le sang.

    Et les branches s'abaissent et se penchent,
    Et vous caressent de longs frôlements,
    Vous caressent et vous soulèvent
    De la terre...

  • Si tu veux les voir, m'a dit une Fée,
    Glisse un soir, comme moi,
    Sous les saules,
    Et regarde, entre tes doigts,
    Par-dessus ton épaule.

    Elles appuient sur les eaux bleues
    Leurs frêles corolles,
    Et leurs larges feuilles,
    Et elles jouent, entre les joncs,
    A des jeux d'ombre et de rayons.

    Retiens ton souffle, approche en silence...

  • Je l'ai tué, je l'ai tué !
    Il tombe.
    Ecoute. Une voix dans le soir a crié
    Sur la mer sombre : Tu l'as tué !

    Comment l'ai-je tué, mon dieu, de ces mains blanches
    Qui n'auraient pas blessé une colombe
    Ni tué une fleur ?

    Ah ! rien ne savait qu'il vivait,
    Et tout ignore qu'il n'est plus
    Et l'aurore se lève encore.

    Rien ne le...

  • En ce temps-là vivaient le Roi Charmant,
    Serpentin-Vert et Florine ma mie,
    Et, dans sa tour, pour cent ans endormie,
    Dormait encor la Belle-au-Bois-Dormant.

    C'était le temps des palais de féerie,
    De l'Oiseau bleu, des Pantoufles de vair,
    Des vieux récits dans les longs soirs d'hiver :
    Moins sots que nous y croyaient, je vous prie.

  • Dans la salle riante et de feux entourée,
    S'élançant au milieu de la foule enivrée,
    Vive, modeste et jeune entre ses jeunes soeurs,
    Elle m'est apparue et la nuit et charmante !
    Depuis à mon esprit vaguement se présente
    Une fête, une femme, un sourire et des fleurs.

    Oh! comme elle était blanche ! oh! comme elle était belle !
    Je regardais le bal ; mais je...

  • Ce ne sont plus les jours des entreprises folles,
    Où chaque obstacle était franchi d'un seul élan,
    Où le coeur s'enivrait au doux miel des paroles,
    Et se prenait aux noeuds d'un voile ou d'un ruban,
    C'est l'heure où de la vie on comprend la chimère,
    Où l'on sent qu'ici-bas tout n'est que vanité ;
    Et ce dernier moment, ce moment éphémère,
    Sera demain l'...

  • Quand le pâtre a fini son chant joyeux ou triste,
    Dans l'air ému souvent le son persiste,
    Et plane une dernière fois.
    Puis, bientôt le silence,
    Cet hymne sans voix,
    Recommence
    Au bois.

    Le feu mystérieux que le caillou recèle
    Au choc du fer jaillit en étincelle ;
    Mais ce n'est qu'un rapide éclair
    Qu'un moment voit éclore :
    Le...

  • La brise fait trembler sur les eaux diaphanes
    Les reflets ondoyants des palais radieux ;
    Le pigeon bleu se pose au balcon des sultanes ;
    L'air embaumé s'emplit de mille bruits joyeux ;
    Des groupes nonchalants errent sous les platanes ;
    Tout rit sur le Bosphore, et seuls les elkovans
    Avec des cris plaintifs rasent les flots mouvants.

    Ô pâles...