• La pensée a des jours ineffablement calmes,
    Où la gloire effraierait comme un vice ; où les palmes,
    Où les bravos, où tout appareil de grandeur
    Déconcertent le goût et blessent la pudeur.
    On vit, on est content de vivre ! Les plans vastes
    Sont bien loin ! On est las de chercher des contrastes :
    Et l’on accorde au cœur trop longtemps tourmenté
    Les...

  • A la voix de Jésus Lazare s’éveilla.
    Livide, il se dressa debout dans les ténèbres ;
    Il sortit tressaillant dans ses langes funèbres,
    Puis, tout droit devant lui, grave et seul s’en alla.

    Seul et grave, il marcha depuis lors dans la ville,
    Comme cherchant quelqu’un qu’il ne retrouvait pas ;
    Et se heurtant partout, à chacun de ses pas,
    Aux choses de la...

  • Au fond du parc, dans une ombre indécise,
    Il est un banc solitaire et moussu
    Où l’on croit voir la Rêverie assise,
    Triste et songeant à quelque amour déçu.
    Le Souvenir dans les arbres murmure,
    Se racontant les bonheurs expiés ;
    Et comme un pleur, de la grêle ramure
    Une...

  • Pour la première fois, voyant la mer à Bône,
    Un Bédouin du désert, venu d’El-Kantara,
    Comparait cet azur à l’immensité jaune
    Que piquent de points blancs Tuggurt et Biskara,

    Et disait, étonné, devant l’humide plaine :
    « Cet espace sans borne, est-ce un Sahara bleu,
    Plongé, comme l’on fait d’un vêtement de laine,
    Dans la cuve du ciel par un teinturier...

  • Une nuit claire, un vent glacé. La neige est rouge.
    Mille braves sont là qui dorment sans tombeau,
    L’épée au poing, les yeux hagards. Pas un ne bouge.
    Au-dessus tourne et crie un vol de noirs corbeaux.

    La lune froide verse au loin sa pâle flamme.
    Hialmar se soulève entre les morts sanglants,
    Appuyé des deux mains au tronçon de sa lame.
    La pourpre du...

  • O Femme, que tu sois plébéienne ou princesse,
    En dévoilant l’amour, je te cherche où tu es.
    Ton cœur est le roman que je relis sans cesse ;
    Je ne te connais pas, mais je t’aime ou te hais.

    J’ai secoué pour toi l’arbre de la science.
    Lis ce livre, ou plutôt cherche ton cœur dedans.
    Sur l’espalier d’Éros, si ta luxuriance
    Est mûre, ouvre la bouche et...

  • La blanche Vérité dort au fond d’un grand puits.
    Plus d’un fuit cet abîme ou n’y prend jamais garde ;
    Moi, par un sombre amour, tout seul je m’y hasarde,
    J’y descends à travers la plus noire des nuits.

    Et j’entraîne le câble aussi loin que je puis ;
    Or je l’ai déroulé jusqu’au bout, je regarde,
    Et, les bras étendus, la prunelle hagarde,
    J’oscille sans...

  • Elle est morte ; — une énigme enveloppe sa vie ; —
    Oublieuse de gloire et d’or inassouvie,
    Morte en sa puberté.
    Et qu’un jour l’Avenir l’accuse ou la défende,
    Cette mort, — cette vie, — est comme une légende
    ...

  • Le fossoyeur fut le premier
    Laboureur du monde où nous sommes.
    La mort l’a choisi pour fermier,
    Dans les champs il sème des hommes.

    Il sème. Il ne voit rien venir
    Lorsqu’au printemps poussent les herbes ;
    Il faut des siècles d’avenir
    Pour que germent ces grains superbes.

    Qu’importe ! sa maîtresse est là
    Qui lui met de l’argent en poche....

  • Dans un parc oublié dont le silence amorce
    Les rêveurs, sentinelle ancienne du seuil,
    Le grand arbre muet isole son orgueil,
    Et vers le ciel étend ses branches avec force.

    Son tronc noir se raidit musculeux comme un torse,
    Et son cœur dépouillé ferait un bon cercueil.
    Il a l’air de porter l’empreinte d’un long deuil,
    Et l’âge a sillonné profondément l...