Si c'est dessus les eaux que la terre est pressée,
Comment se soutient-elle encor si fermement,
Et si c'est sur les vents qu'elle a son fondement,
Qui la peut conserver sans être renversée ?
Ces justes contrepoids qui nous l'ont balancée
Ne penchent-ils jamais d'un divers branlement ?
Et qui nous fait solide ainsi cet élément,
Qui trouve autour de...
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Tout s'enfle contre moy, tout m'assaut, tout me tente,
Et le Monde et la Chair, et l'Ange revolté,
Dont l'onde, dont l'effort, dont le charme inventé
Et m'abisme, Seigneur, et m'esbranle, et m'enchante.
Quelle nef, quel appuy, quelle oreille dormante,
Sans peril, sans tomber, et sans estre enchanté,
Me donras tu? Ton Temple où vit ta Sainteté,
Ton... -
Les vents grondaient en l'air, les plus sombres nuages
Nous dérobaient le jour pêle-mêle entassés,
Les abîmes d'enfer étaient au ciel poussés,
La mer s'enflait des monts, et le monde d'orages ;
Quand je vis qu'un oiseau délaissant nos rivages
S'envole au beau milieu de ces flots courroucés,
Y pose de son nid les fétus ramassés
Et rapaise soudain... -
Pour qui tant de travaux ? pour vous? de qui l'aleine
Pantelle en la poictrine et traine sa langueur ?
Vos desseins sont bien loin du bout de leur vigueur
Et vous estes bien pres du bout de vostre peine.
Je vous accorde encore une emprise certaine,
Qui de soy court du Temps l'incertaine rigueur ;
Si perdrez-vous enfin ce fruit et ce labeur :
Le mont est... -
Ne vous étonnez point si mon esprit qui passe
De travail en travail par tant de mouvements,
Depuis qu'il est banni dans ces éloignements,
Tout agile qu'il est ne change point de place.
Ce que vous en voyez, quelque chose qu'il fasse,
Il s'est planté si bien sur si bons fondements,
Qu'il ne voudrait jamais souffrir de changements
Si ce n'est que le... -
Je sens dedans mon âme une guerre civile,
D'un parti ma raison, mes sens d'autre parti,
Dont le brûlant discord ne peut être amorti
Tant chacun son tranchant l'un contre l'autre affile.
Mais mes sens sont armés d'un verre si fragile
Que si le coeur bientôt ne s'en est départi
Tout l'heur vers ma raison se verra converti,
Comme au parti plus fort,... -
Je contemplais un jour le dormant de ce fleuve
Qui traîne lentement les ondes dans la mer,
Sans que les Aquilons le fassent écumer
Ni bondir, ravageur, sur les bords qu'il abreuve.
Et contemplant le cours de ces maux que j'épreuve,
Ce fleuve, dis-je alors, ne sait que c'est d'aimer ;
Si quelque flamme eût pu ses glaces allumer,
Il trouverait l'amour... -
Je meurs, et les soucis qui sortent du martyre
Que me donne l'absence, et les jours, et les nuits
Font tant qu'à tous moments je ne sais que je suis,
Si j'empire du tout ou bien si je respire ;
Un chagrin survenant mille chagrins m'attire
Et me croyant aider moi-même je me nuis,
L'infini mouvement de mes roulants ennuis
M'emporte, et je le sens,... -
Tout le monde se plaint de la cruelle envie
Que la nature porte aux longueurs de nos jours :
Hommes, vous vous trompez, ils ne sont pas trop cours,
Si vous vous mesurez au pied de vostre vie.
Mais quoy ? je n'entens point quelqu'un de vous qui die :
Je me veux despestrer de ces fascheux destours,
Il faut que je revole à ces plus beaux sejours,
Où... -
Mortels, qui des mortels avez pris vostre vie,
Vie qui meurt encor dans le tombeau du Corps,
Vous qui r'amoncelez vos tresors, des tresors
De ceux dont par la mort la vie fust ravie :
Vous qui voyant de morts leur mort entresuivie,
N'avez point de maisons que les maisons des morts,
Et ne sentez pourtant de la mort un remors,
D'où vient qu'au...