• Le jour, le point, mille foys attendu
    L'heure, et la nuit, mille fois attenduë,
    M'ont desormais entre les bras rendu
    D'une qui s'est entre mes bras renduë.

    D'ame, et d'esprit, je suis tout esperdu !
    D'ame, et d'esprit, elle est toute esperduë !
    Ô jour luisant ! ô soulas pretendu !
    Ô dous esbat ! ô joye pretenduë !

    D'un tel discours mes...

  • (Et nox facta est, I)

    Depuis quatre mille ans il tombait dans l'abîme.

    Il n'avait pas encor pu saisir une cime,
    Ni lever une fois son front démesuré.
    Il s'enfonçait dans l'ombre et la brume, effaré,
    Seul, et derrière lui, dans les nuits éternelles,
    Tombaient plus lentement les plumes de ses ailes.
    Il tombait foudroyé, morne, silencieux,...

  • Depuis six mille ans la guerre
    Plait aux peuples querelleurs,
    Et Dieu perd son temps à faire
    Les étoiles et les fleurs.

    Les conseils du ciel immense,
    Du lys pur, du nid doré,
    N'ôtent aucune démence
    Du coeur de l'homme effaré.

    Les carnages, les victoires,
    Voilà notre grand amour ;
    Et les multitudes noires
    Ont pour grelot...

  • Cent mille hommes, criblés d'obus et de mitraille,
    Cent mille hommes, couchés sur un champ de bataille,
    Tombés pour leur pays par leur mort agrandi,
    Comme on tombe à Fleurus, comme on tombe à Lodi,
    Cent mille ardents soldats, héros et non victimes,
    Morts dans un tourbillon d'évènements sublimes,
    D'où prend son vol la fière et blanche Liberté,
    Sont un malheur...

  • Massifs harmonieux, édens des flots tranquilles,
    D'oasis aux fleurs d'or innombrables réseaux,
    Que la vague caresse et que les blonds roseaux
    Encadrent du fouillis de leurs tiges mobiles.

    Bosquets que l'onde berce au doux chant des oiseaux,
    Des zéphirs et des nids pittoresques asiles,
    Mystérieux et frais labyrinthe, Mille-Iles,
    Chapelet d'émeraude...

  • Que me fuis-tu ? Mille Nymphes me cherchent
    Les Muses m'ont apporté leurs presens,
    J'ay de Venus les verds myrtes plaisans,
    J'ay de Phebus les lauriers qui ne sechent.

    Cruelle, au moins si tels biens ne t'allechent,
    Si mon amour, si mes soucis pesans,
    Pren, pren pitié de ces miens jeunes ans,
    Qui comme l'herbe au soleil se dessechent.
    ...

  • Les menus faits, les mille riens,
    Une lettre, une date, un humble anniversaire,
    Un mot que l'on redit comme aux jours de naguère
    Exalte en ces longs soirs ton coeur comme le mien.

    Et nous solennisons pour nous ces simples choses
    Et nous comptons et recomptons nos vieux trésors,
    Pour que le peu de nous qui nous demeure encor
    Reste ferme et vaillant...

  • Maudit soit mille fois le Borgne de Libye,
    Qui, le coeur des rochers perçant de part en part,
    Des Alpes renversa le naturel rempart,
    Pour ouvrir le chemin de France en Italie.

    Mars n'eût empoisonné d'une éternelle envie
    Le coeur de l'Espagnol et du Français soudard,
    Et tant de gens de bien ne seraient en hasard
    De venir perdre ici et l'honneur et la...

  • Ici de mille fards la traïson se déguise,
    Ici mille forfaits pullulent à foison,
    Ici ne se punit l'homicide ou poison,
    Et la richesse ici par usure est acquise

    Ici les grands maisons viennent de bâtardise,
    Ici ne se croit rien sans humaine raison,
    Ici la volupté est toujours de saison,
    Et d'autant plus y plaît que moins elle est permise.

    ...

  • En mille crespillons les cheveux se friser,
    Se pincer les sourcils, et d'une odeur choisie
    Parfumer haut et bas sa charnure moisie,
    Et de blanc et vermeil sa face déguiser :

    Aller de nuit en masque, en masque deviser,
    Se feindre à tous propos être d'amour saisie,
    Siffler toute la nuit par une jalousie,
    Et par martel de l'un, l'autre favoriser :
    ...