• Rampant d'argent sur champ de sinople, dragon
    Fluide, au soleil de la Vistule se boursoufle.
    Or le roi de Pologne, ancien roi d'Aragon,
    Se hâte vers son bain, très nu, puissant maroufle.

    Les pairs étaient douzaine : il est sans parangon.
    Son lard tremble à sa marche et la terre à son souffle ;
    Pour chacun de ses pas son orteil patagon
    Lui taille...

  • Le vélin écrit rit et grimace, livide.
    Les signes sont dansants et fous. Les uns, flambeaux,
    Pétillent radieux dans une page vide.
    D'autres en rangs pressés, acrobates corbeaux,

    Dans la neige épandue ouvrent leur bec avide.
    Le livre est un grand arbre émergé des tombeaux.
    Et ses feuilles, ainsi que d'un sac qui se vide,
    Volent au vent vorace et...

  • (...)
    Pris
    Dans l'eau calme de granit gris,
    nous voguons sur la lagune dolente.
    Notre gondole et ses feux d'or
    dort
    lente.
    (...)

    Clair,
    un vol d'esprits flotte dans l'air :
    corps aériens transparents, blancs linges,
    inquiétants regards dardés
    des
    sphinges.

    Et
    le criblant d'un jeu de palet,
    fins...

  • Le roi mort, les vingt et un coups de la bombarde
    Tonnent, signal de deuil, place de la Concorde.

    Silence, joyeux luth, et viole et guimbarde :
    Tendons sur le cercueil la plus macabre corde

    Pour accompagner l'hymne éructé par le barde :
    Le ciel veut l'oraison funèbre pour exorde.

    L'encens vainc le fumet des ortolans que barde
    La maritorne...

  • Ma fille - ma, car vous êtes à tous,
    Donc aucun d'eux ne fut valable maître,
    Dormez enfin, et fermons la fenêtre :
    La vie est close, et nous sommes chez nous.

    C'est un peu haut, le monde s'y termine
    Et l'absolu ne se peut plus nier ;
    Il est si grand de venir le dernier
    Puisque ce jour a lassé Messaline,

    Vous voici seule et d'oreilles et d'...

  • Tous les regrets qu'oncques furent au monde
    Émoi, souci, ôtez-nous et tristesse,
    Voici le jour où toute joie abonde,
    Voici soulas*, voici toute liesse.

    Ô pastoureaux, chantez en voix profonde,
    Harpes et luths, le haut roi de noblesse
    Vous saluez, par qui est sorti l'onde
    Qui a lavé de péché la rudesse.

    Ô Baltazar, ô ta langue féconde...

  • Superbes qui pensez, en dédaignant la mort,
    Trouver dessus la terre une éternelle base,
    Pour y fonder un bien non tributaire au sort,
    La vie est un soupir, et la mort une extase.

    Notre vie attachée à un faible filet
    Gît et pend sur le bord de la mourante lèvre
    La mort pour nous ravir or nous cille un oeillet,
    Nous berce, nous endort, et du monde...

  • Du rien je m'achemine aux pieds de Jésus-Christ,
    Des pieds à son côté où je reçois l'esprit
    Qui fait parvenir l'homme à la divine bouche ;
    On jouit en ce lieu d'une si grande paix
    Que la sainte âme veut demeurer à jamais
    Dans cette heureuse couche.

    Ô beau lit de l'époux plein d'oeillets et de lys !
    N'êtes-vous pas de Dieu le très doux Paradis ?...

  • Qu'est-ce donc que je vois ? Quelle vision pure !
    Je vois le Créateur, en lui la créature,
    Je vois l'être et le rien,
    Je vois le rien en Dieu, l'être qui l'être pâme,
    Si l'un me fait mourir, l'autre ravit mon âme
    Dans son souverain bien.

    Je vois le néant simple en la nature belle.
    Quel prodige ! un néant du néant se révèle
    En moi par le péché...

  • Solitaire hauteur, sainte horreur ravissante,
    Silence glorieux,
    Beau sein des Séraphins, ombre resplendissante,
    Douce mort de nos yeux,
    Extase des esprits, jusqu'à vous ma pensée
    Ne peut être élancée.

    Je connais par la foi que vous êtes Dieu même
    Qui ne peut être vu,
    De vos pures clartés un seul rayon suprême
    Ayant l'âme entrevu,
    En un...