Superbes qui pensez, en dédaignant la mort,
Trouver dessus la terre une éternelle base,
Pour y fonder un bien non tributaire au sort,
La vie est un soupir, et la mort une extase.
Notre vie attachée à un faible filet
Gît et pend sur le bord de la mourante lèvre
La mort pour nous ravir or nous cille un oeillet,
Nous berce, nous endort, et du monde nous sèvre.
C'est bien peu, ce n'est rien, même c'est moins que rien
Que cette pâle vie, à mille maux encline,
Nous mourons à toute heure en ce val terrien,
De moment en moment notre force décline.
Ores celui-ci vit, et tantôt il mourra,
Car nous sommes ainsi que la feuille en automne,
Qui ores pend à l'arbre, et tantôt tombera
Les corps sont les épis que la Parque moissonne. [?]
La vie est une nue exposée au soleil,
Qui soudain se dissout ; la vie est une éponge
Qui attire tous maux ; la vie est un cercueil,
Ou bien, si vous voulez, c'est l'image d'un songe.
L'humain cours chancelant ressemble ces bateaux
Qui glissent, sans marquer après eux nulle trace,
Ou le sable entraîné par un ravage d'eaux,
Ou la fleur qui fanit ou bien l'ombre qui passe.
Si l'on veut de la vie en distraire les maux,
L'enfance et le dormir qui fait moitié de l'âge,
Hélas ! nous trouverons qu'on n'a que des travaux
Pour parvenir au but de ce pèlerinage.
La vie est une nuit ; et comme le soleil
Sortant de l'océan illumine le monde,
L'âme, après notre mort, franchissant le cercueil,
Luira dedans le ciel, où toute grâce abonde.