Cantique XI

Qu'est-ce donc que je vois ? Quelle vision pure !
Je vois le Créateur, en lui la créature,
Je vois l'être et le rien,
Je vois le rien en Dieu, l'être qui l'être pâme,
Si l'un me fait mourir, l'autre ravit mon âme
Dans son souverain bien.

Je vois le néant simple en la nature belle.
Quel prodige ! un néant du néant se révèle
En moi par le péché ;
Mais si sortant de moi j'élève au ciel la vue,
Je vois le Dieu de Dieu, dans une claire nue
Le Soleil est caché.

Tirez un peu le voile, ô gardien céleste,
Afin que comme amour mon Dieu se manifeste,
Non comme vérité ;
Je ne sais que je dis, l'amour, la sapience ,
Avec la vérité sont une même essence
Dedans la Trinité.

Hé ! qu'est-ce que je vois ? je ne vois nulle chose ;
Si fait, je vois un Tout ; l'effet ne voit la cause ;
Ha ! j'ai perdu l'esprit ;
Hé ! qui ne le perdrait devant cet Être immense
Dans lequel l'Ange trouve en sainte défaillance
La vie en Jésus-Christ ?

Collection: 
1609

More from Poet

Cache-toi, beau Soleil, je ne mérite pas
Entrevoir la lueur de ta face suprême,
Mais las ! sans tes rayons tout périrait çà-bas,
Il faut donc que chétif je me cache moi-même.

Le lieu le plus secret d'un désert écarté,
L'ombrage plus obscur d'un antre plus sauvage,...

Ceux qui nagent à gré, au courant des délices
De ce monde orageux, inconstant et mouvant,
Se gavent de ceux-ci, qu'un impétueux vent
Pousse au seuil des rochers, voisins des précipices,

Ceux-là, bous d'orgueil, font gloire de leurs vices,
Servent à leurs désirs,...

[...] Sus, sus, il faut partir, il faut trousser bagage,
J'entends les grands hérauts de la divinité
Qui me viennent sommer au céleste voyage,
Seigneur, loge mon âme au sein de ta bonté.

Adieu, soleil, qui sors de l'onde marinière
Pour faire voir à tous ce petit...

Que le monde est constant en instabilité,
Si l'on jouit d'une aise, au moins de l'apparence,
Tantôt le sort muable en tranche l'espérance,
Et tout est envieux de la félicité.

Or' j'étais dédaigné de la feinte beauté
Qui, par mille tourments, a prouvé ma constance,...

Solitaire hauteur, sainte horreur ravissante,
Silence glorieux,
Beau sein des Séraphins, ombre resplendissante,
Douce mort de nos yeux,
Extase des esprits, jusqu'à vous ma pensée
Ne peut être élancée.

Je connais par la foi que vous êtes Dieu même
Qui ne...