Cette lumière peut-elle
tout un monde nous rendre ?
Est-ce plutôt la nouvelle
ombre, tremblante et tendre,
qui nous rattache à lui ?
Elle qui tant nous ressemble
et qui tourne et tremble
autour d'un étrange appui.
Ombres des feuilles frêles,
sur le chemin et le pré,
geste soudain familier
qui nous adopte et nous mêle
à la...
-
-
I
Ô mélodie de la sève
qui dans les instruments
de tous ces arbres s'élève -,
accompagne le chant
de notre voix trop brève.
C'est pendant quelques mesures
seulement que nous suivons
les multiples figures
de ton long abandon,
ô abondante nature.
Quand il faudra nous taire,
d'autres continueront...
Mais à... -
Combien a-t-on fait aux fleurs
d'étranges confidences,
pour que cette fine balance
nous dise le poids de l'ardeur.
Les astres sont tous confus
qu'à nos chagrins on les mêle.
Et du plus fort au plus frêle
nul ne supporte plus
notre humeur variable,
nos révoltes, nos cris -,
sauf l'infatigable table
et le lit (table... -
Reste tranquille, si soudain
l'Ange à ta table se décide ;
efface doucement les quelques rides
que fait la nappe sous ton pain.
Tu offriras ta rude nourriture
pour qu'il en goûte à son tour,
et qu'il soulève à sa lèvre pure
un simple verre de tous les jours.
Ingénuement, en ouvrier céleste,
il prête à tout une calme attention ;... -
Tel cheval qui boit à la fontaine,
telle feuille qui en tombant nous touche,
telle main vide, ou telle bouche
qui nous voudrait parler et qui ose à peine -,
autant de variations de la vie qui s'apaise,
autant de rêves de la douleur qui somnole :
ô que celui dont le coeur est à l'aise,
cherche la créature et la console. -
Pourquoi craindrais-je de le dire ?
C'est Margot qui fixe mon goût :
Oui, Margot ! cela vous fait rire ?
Que fait le nom ? la chose est tout.
Margot n'a pas de la naissance
Les titres vains et fastueux ;
Ainsi que ses humbles aïeux,
Elle est encor dans l'indigence ;
Et pour l'esprit, quoique amoureux,
S'il faut dire ce que j'en pense,
... -
Comme un navire en mer au fort de la tourmente,
Prêt à choquer les rocs par les vents agité,
Sitôt qu'un feu de joie a montré sa clarté,
L'air se tait, l'eau se calme, et l'orage s'absente,
La nef sans peur recourt sur sa première sente
Au rivage étranger qu'elle avait écarté,
Fait voile assurément, mire son nord quitté,
Et selon son dessein surgit... -
Veux-tu savoir, Mondain, quel est mon être au monde ?
Je ne suis rien qu'un mort qui, vif entre les morts,
Meurs entre les vivants, sous les divers efforts
Du contraste au combat où tout mon heur je fonde.
De ces duels ma trêve à son salut redonde,
De mes maux sourd mon bien et d'accordants discords
Mon esprit m'entretient en paix avec mon corps,
D'... -
Sonnet
Pour entrée au sujet des saints soupirs, sur l'homme animal et spirituel
D'un accordant discord s'entrechoquent en moi
Deux hommes en un homme, en un corps deux natures,
Deux formes en un être, et en deux créatures
Une personne humaine où un se double en soi.
En nous donc n'étant qu'un, où deux pourtant je vois,
S'accordent... -
Ce Monde, comme on dit, est une cage à fous,
Où la guerre, la paix, l'amour, la haine, l'ire,
La liesse, l'ennui, le plaisir, le martyre
Se suivent tour à tour et se jouent de nous.
Ce Monde est un théâtre où nous nous jouons tous
Sous habits déguisés à malfaire et médire.
L'un commande en tyran, l'autre, humble, au joug soupire ;
L'un est bas, l'...