• Si chétive, une haleine, une âme,
    L’orpheline du porte-clés
    Promenait dans la cour infâme
    L’innocence en cheveux bouclés.

    Elle avait cinq ans ; son épaule
    Était blanche sous les haillons,
    Et, libre, elle emplissait la geôle
    D’éclats de rire et de rayons.

    Un bon vieux repris de justice
    Sculptait pour elle des joujoux ;
    L’ancien crime...

  • Las des pédants de Salamanque
    Et de l’école aux noirs gradins,
    Je vais me faire saltimbanque
    Et vivre avec les baladins.

    Que je couche entre quatre toiles,
    La nuque sur un vieux tambour,
    Mais que la fraîcheur des étoiles
    Baigne mon front brûlé d’amour.

    Je consens à risquer ma tête
    En jonglant avec des couteaux,
    Si le vin, ce but de...

  • Pour aimer une fois encor, mais une seule,
    Je veux, libertin repentant,
    La vierge qui, rêveuse aux genoux d’une aïeule,
    Sans m’avoir jamais vu, m’attend.

    Elle est pieuse et sage ; elle dit ses...

  • Longuement poursuivi par le spleen détesté,
    Quand je vais dans les champs, par les beaux soirs d’été.
    Au grand air rafraîchir mes tempes,
    Je ris de voir, le long des bois, les fiancés
    Cheminer lentement, deux par deux, enlacés
    ...

  • Lecteur, à toi ces vers, graves historiens
    De ce que la plupart appelleraient des riens,
    Spectateur indulgent qui vis ainsi qu’on rêve,
    Qui laisses s’écouler le temps & trouves brève
    Cette succession de printemps & d’hivers,
    Lecteur mélancolique & doux, à toi ces vers.
    Ce sont des souvenirs, des éclairs, des boutades,
    Trouvés au coin de l’...

  • Un jour, — pardonnez-moi ce crime, ô grands plastiques !
    Un jour, je promenais dans le Louvre, aux Antiques,
    Mes rêves d’art intime et de modernité.
    Le Musée est très-frais et très-calme, en été.
    Après le Carrousel torride et son asphalte,
    Il est doux, par les jours trop chauds, d’y faire halte ;
    Car la sérénité des vieux marbres d’Hellas
    Rafraîchit le...

  • Le train stoppa ; c’était la station de Sèvres.

    Assis dans mon wagon, la cigarette aux lèvres,
    En jetant un regard dehors, je remarquai,
    Près de la porte en bois ouverte sur le quai,
    Un groupe de trois sœurs vraiment presque pareilles :
    Mêmes cheveux au vent derrière les oreilles,
    Mêmes chapeaux à fleurs, mêmes robes d’été,
    Même air de bonne humeur et...

  • Dans la paisible rue où je passe souvent,
    Un jour d’hiver, devant la porte d’un couvent,
    Je vis avec fracas, s’arrêter des carrosses.
    Tous les chevaux portaient, ainsi que pour des noces,
    Une rose à l’oreille ; et les laquais poudrés
    Et superbes, tout droits sur leurs mollets cambrés,

    Se tenaient à côté des portières ouvertes
    D’où sortaient, de...

  • Des Groënlands et des Norvèges
    Vient-elle avec Seraphita ?

    C’est un parc scandinave, aux sapins toujours verts,
    Où le vent automnal courbe les fleurs d’hivers
    Dans les vases de marbre anciens sur la terrasse ;
    Et la vierge royale en qui revit la race
    Des brumeux Suénon dont son père descend,
    L’...

  • La pleine mer moutonne au loin sur les brisants.
    Dans les rocs qu’ont usés les flots et les jusants,
    La lame écume et bout au pied de la falaise ;
    Et, debout dans le vent, la jeune Granvillaise,
    Un bras devant les yeux, regarde à l’horizon,
    Car l’équinoxe approche et voici la saison
    Où la côte normande a le plus de naufrages ;
    Et les gens sont au large...