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    À Philippe Burty.

         Le bleu matin
    Fait pâlir les étoiles.
         Dans l’air lointain
    La brume a mis ses voiles.
         C’est l’heure où vont,
    Au bruit clair des cascades,
         Danser en rond,
    Sur le pré, les Dryades.

         

    Matin moqueur,
    Au dehors tout est rose.
         Mais dans mon cœur
    Règne...

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    À Mademoiselle Mauté de Fleurville.

    Si j’étais roi de la forêt,
       Je mettrais une couronne
    Toute d’or ; en velours bleuet
           J’aurais un trône,

    En velours bleu, garni d’argent
       Comme un livre de prière,
    J’aurais un verre en diamant
           Rempli de bière,

    Rempli de bière ou de vin blanc.
       Je...

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    Au comte Charles de Montblanc.

    Dans le vallon qu’arrose
    L’eau courante, j’allais
    Un jour cueillir la rose,
    La rose et les muguets.

    Mon amoureux qui n’ose
    Rien me dire, y passait ;
    Moi je cueillais la rose,
    La rose et le muguet.

    « Oh vilain ! oh morose ! »
    Au nez je lui riais,
    Tout en cueillant la rose...

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    À Édouard Manet.

    Sachant qu’Elle est futile, et pour surprendre à l’aise
    Ses poses, vous parliez des théâtres, des soirs
    Joyeux, de vous, marin, stoppant près des comptoirs,
    De la mer bleue et lourde attaquant la falaise.

    Autour du cou, papier d’un bouquet, cette fraise,
    Ce velours entourant les souples nonchaloirs,
    Ces...

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    Sourires, fleurs, baisers, essences,
    Après de si fades ennuis,
    Après de si ternes absences,
    Parfumez le vent de mes nuits !

    Illuminez ma fantaisie,
    Jonchez mon chemin idéal,
    Et versez-moi votre ambroisie,
    Longs regards, lys, lèvres, santal !

                                *

    Car j’ignore l’amour caduque
    Et le dessillement des...

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    À Degas.

    Les cheveux plantureux et blonds, bourrés de crin,
    Se redressent altiers : deux touffes latérales
    Se collent sur le front en moqueuses spirales.

    Aigues-marines, dans le transparent écrin
    Des paupières, les yeux qu’un clair fluide baigne
    Ont un voluptueux regard qui me dédaigne.

    Tout me nargue : les fins sourcils,...

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    Dans le parc, les oiseaux se querellent entre eux.
    Après la promenade en de sombres allées,
    On rentre ; on mange ensemble, et tant de voix mêlées
    N’empêchent pas les doux regards, furtifs, heureux.

    Et la chambre drapée en tulle vaporeux
    Rose de la lueur des veilleuses voilées,
    Où ne sonnent jamais les heures désolées !...
    Parfums persuadeurs...

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    À d’autres les ciels bleus ou les ciels tourmentés,
    La neige des hivers, le parfum des étés,
    Les monts où vous grimpez, fiertés aventurières
    Des Anglaises. Mes yeux aiment mieux les clairières
    Où la charcuterie a laissé ses papiers,
    Les sentiers où l’on sent encor l’odeur des pieds
    Des soldats avec leurs payses, la presqu’île
    De Gennevilliers...

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    Ignorante ou plutôt dédaigneuse des maux
    Et des perversités, vous sachant hors d’atteinte,
    Vous traversez la vie en aimant sans contrainte,
    Donnant de votre charme aux faits les plus normaux.

    J’ai comme un souvenir vague, en de vieux émaux
    D’un portrait lumineux de reine ou bien de sainte
    À la grâce élancée, où je vous trouvais peinte
    Mieux...

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    J’ai bâti dans ma fantaisie
    Un théâtre aux décors divers :
    — Magiques palais, grands bois verts —
    Pour y jouer ma poésie.

    Un peu trop au hasard choisie,
    La jeune-première à l’envers
    Récite quelquefois mes vers.
    Faute de mieux je m’extasie.

    Et je déclame avec tant d’art
    Qu’on me croirait pris à son fard,
    Au fard que je lui...