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    Vrai sauvage égaré dans la ville de pierre,
    À la clarté du gaz je végète et je meurs.
    Mais vous vous y plaisez, et vos regards charmeurs
    M’attirent à la mort, parisienne fière.
     
    Je rêve de passer ma vie en quelque coin
    Sous les bois verts ou sur les monts aromatiques,
    En Orient, ou bien près du pôle, très loin,
    Loin des journaux, de la...

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    Puisque ma bouche a rencontré
    Sa bouche, il faut me taire. Trêve
    Aux mots creux. Je ne montrerai
    Rien qui puisse trahir mon rêve.

                                *

    Il faut que je ne dise rien
    De l’odeur de sa chevelure,
    De son sourire aérien,
    Des bravoures de son allure,

    Rien des yeux aux regards troublants,
    Persuasifs,...

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    Bibelots d’emplois incertains,
    Fleurs mortes aux seins des almées,
    Cheveux, dons de vierges charmées,
    Crêpons arrachés aux catins,

    Tableaux sombres et bleus lointains,
    Pastels effacés, durs camées,
    Fioles encore parfumées,
    Bijoux, chiffons, hochets, pantins,

    Quel encombrement dans ce coffre !
    Je vends tout. Accepte mon offre,...

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    Je n’ai pas d’ami,
    Ma maîtresse est morte.
    Ce n’est qu’à demi
    Que je le supporte.

    Peut-on vivre seul ?
    Mon désir qui dure
    Retrousse un linceul
    Plein de pourriture.

    Comme elle a blêmi
    Sa chair fière et forte
    Sur qui j’ai dormi !
    Partons sans escorte !

    Pire qu’un aïeul,
    Sans broncher j’endure
    L’odeur...

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    À Emmanuel des Essarts.

    Ce n’est pas d’hier que d’exquises poses
    Me l’ont révélée, un jour qu’en rêvant
    J’allais écouter les chansons du vent.

    Ce n’est pas d’hier que les teintes roses
    Qui passent parfois sur sa joue en fleur
    M’ont parlé matin, aurore, fraîcheur,

    Que ses clairs yeux bleus et sa chevelure
    Noire, sur la...

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    À Coquelin Cadet.

                                I

    Au printemps, c’est dans les bois nus
    Qu’un jour nous nous sommes connus.

    Les bourgeons poussaient, vapeur verte.
    L’amour fut une découverte.

    Grâce aux lilas, grâce aux muguets,
    De rêveurs nous devînmes gais.

    Sous la glycine et le cytise,
    Tous deux seuls, que faut...

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    Malgré sa folle trahison
    N’est-elle pas encor la même ?
    La fierté n’est plus de saison.
              Je l’aime.

                                *

    Je sais qu’elle reste, malgré
    D’impurs contacts, vierge éternelle,
    Qu’aucun venin n’a pénétré
               En elle,

    Marbre trop charnel qui subit
    Toutes souillures, mais les brave ;...

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    À J. Keck.

    Ma belle amie est morte,
    Et voilà qu’on la porte
    En terre, ce matin,
    En souliers de satin.

    Elle dort toute blanche,
    En robe de dimanche,
    Dans son cercueil ouvert
    Malgré le vent d’hiver.

    Creuse, fossoyeur, creuse
    À ma belle amoureuse
    Un tombeau bien profond,
    Avec ma place au fond....

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    Celle qui m’apparaît, quand j’ai clos mes yeux las,
    Tricote un bas de laine. Elle a des bandeaux plats,
    Elle a passé la fleur de ses jeunes années
    Dans des salons proprets, aux couleurs surannées,
    Et rêve d’épouser un substitut grivois.
    Elle chante, avec un petit filet de voix :
    « Le départ d’Alcindor, les pleurs de son amante. »
    Son corsage...

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    Absurde et ridicule à force d’être rose,
    À force d’être blanche, à force de cheveux
    Blonds, ondés, crêpelés, à force d’avoir bleus
    Les yeux, saphirs trop vains de leur métempsycose.

    Absurde, puisqu’on n’en peut pas parler en prose,
    Ridicule, puisqu’on n’en a jamais vu deux,
    Sauf, peut-être, dans des keepsakes nuageux...
    Dépasser le réel ainsi...