Possession

 

Puisque ma bouche a rencontré
Sa bouche, il faut me taire. Trêve
Aux mots creux. Je ne montrerai
Rien qui puisse trahir mon rêve.

                            *

Il faut que je ne dise rien
De l’odeur de sa chevelure,
De son sourire aérien,
Des bravoures de son allure,

Rien des yeux aux regards troublants,
Persuasifs, cabalistiques,
Rien des épaules, des bras blancs
Aux effluves aromatiques.

                            *

Je ne sais plus faire d’ailleurs
Une si savante analyse,
Possédé de rêves meilleurs
Où ma raison se paralyse.

Et je me sens comme emporté,
Épave en proie au jeu des vagues,
Par le vertige où m’ont jeté
Ses lèvres tièdes, ses yeux vagues.

                            *

On se demandera d’où vient
L’influx tout-puissant qui m’oppresse,
Mais personne n’en saura rien
Que moi seul... et l’Enchanteresse.

Collection: 
1862

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J'ai trois fenêtres à ma chambre :
L'amour, la mer, la mort,
Sang vif, vert calme, violet.

Ô femme, doux et lourd trésor !

Froids vitraux, odeurs d'ambre.
La mer, la mort, l'amour,
Ne sentir que ce qui me plaît...

Femme, plus claire que le jour !...

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L'espace, le soleil et l'air,
L'eau dont leur feuillage se mouille.
Il faut le calme en la forêt,
La nuit, le vent tiède et discret
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Il te faut, dans les soirs joyeux,
Le triomphe ; il...

J'ai rêvé les amours divins,
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L'or, l'argent, les royaumes vains,

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Nous irons sur nos alezans.

Il est loin le temps des aveux
Naïfs, des téméraires voeux!...

Quant nous irisons
Tous nos horizons
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Les gens bien assis
Exempts de soucis
Ne doivent pas nous poursuivre.

On devient très fin,
Mais on meurt de faim,
A jouer de la guitare,
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L'hiver ni l'été...

Le rhythme argentin de ta voix
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