• Il ny à si grossier qui ne connoisse bien
    Devoir un jour mourir, & toutefois quant l’heure
    De la mort est venue, il se tourmente, & pleure
    Desireus de sa perte, & jalous de son bien.

    N’a il pas bien faillu que pere & mere tien
    Homme sans jugement, auparavant toy meure ?
    Comment ? es tu ne seul à fortune meilleure
    Sur lequel de la mort...

  • Jeanne, tandis que tu fus belle,
    Tu le fus sans comparaison ;
    Anne à cette heure est de saison,
    Et ne vois rien si beau comme elle.
    Je sais que les ans lui mettront
    Comme à toi les rides au front,
    Et feront à sa tresse blonde
    Même outrage qu’à tes cheveux.
    Mais voilà comme va le monde :
    Je te voulus, et je la veux.

  • Ià n’est besoing que plus ie me soucie,
    Si le iour fault, ou que vienne la nuict,
    Nuict hyuernale, & sans Lune obscurcie :
    Car tout celà certes riens ne me nuit,
    Puis que mon Iour par clarté adoulcie
    M’esclaire toute, & tant, qu’a la mynuict
    En mon esprit me faict apperceuoir
    Ce, que mes yeulx ne sceurent oncques veoir.

    Jà n’est besoin...

  • Jamais Hector aux guerres n’estoit lâche
    Lors qu’il alloit combattre les Gregeois.
    Tousjours sa femme attachoit son harnois,
    Et sur l’armet luy plantoit son pennache.

    Il ne craignoit la Pelienne hache
    Du grand Achille, ayant deux ou trois fois
    Baisé sa femme, et tenant en ses dois
    Quelque faveur de sa belle Andromache.

    Heureux cent fois toy...

  • I’ay esté par vn long temps
    Deceue de l’esperance :
    Et si encor point n’attens
    D’elle plus grand’asseurance,
    Que celle là, que ma foy
    Me peult promettre de soy.

    Ie voy les vns fort contents,
    Les autres pleins de souffrance :
    De ceulx là les rys i’entens,
    De ceulx cy la douleance :
    Ces passions i’apperçoy
    Regner toutes deux en...

  • Je faisois ces Sonets en l'antre Pieride,
    Quand on vit les François sous les armes suer,
    Quand on vit tout le peuple en fureur se ruer,
    Quand Belonne sanglante alloit devant pour guide:

    Quand en lieu de la Loy le vice, l'homicide,
    L'impudence, le meurtre, et se sçavoir muer
    En Glauque et en Prothée, et l'Estat remuer,
    Estoient tiltres d'honneur,...

  •  
    Je ne suis plus celui qui respirait la vie
    De vos yeux, mon soleil, je ne suis qu'un vain corps.
    Amour qui m'a frappé de ses traits les plus forts
    Pour triompher de moi, a mon âme ravie.

    Mon esprit erre en bas en la plaine obscurcie,
    Et mon corps au tombeau croît le nombre des morts.
    Ma vie sous l'horreur des meurtrissants efforts
    Qui...

  • Ie puis avoir failly par ignorance,
    Celà me fault, maulgré moy, confesser :
    Mais que ie prenne en moy telle arrogance,
    Que dessus vous ie m’osasse auancer :
    Ie vous supply ne me vouloir penser
    Si indiscrette a faire mon debuoir.

    Bien est il vray, que ie tasche a auoir
    Ce, qui m’est deu, quoy qui en ait esmoy :
    Car si Amour, & foy ont ce...

  • Ie suis tant bien, que ie ne le puis dire,
    Ayant sondé son amytié profonde
    Par sa vertu, qui a l’aymer m’attire
    Plus que beaulté : car sa grace, & faconde
    Me font cuyder la premiere du monde.

    Je suis tant bien que je ne le puis dire,
    Ayant sondé son amitié profonde
    Par sa vertu, qui à l’aimer m’attire
    Plus que beauté : car sa grâce et...

  • Ie t'ai promis au soir, que pour ce iour
    Ie m’en irois a ton instance grande
    Faire chez toy quelque peu de seiour :
    Mais ie ne puis : parquoy me recommande,
    Te promectant m’acquicter pour l’amande,
    Non d’vn seul iour, mais de toute ma vie,
    Ayant tousiours de te complaire enuie.
    Donc te supply accepter le vouloir,
    De qui tu as la pensee rauie...