• Nous irons en suivant les bois, si tu m’écoutes,
    Jusqu’au bord du ravin planté de saules creux :
    On trouve plus souvent aux champs les amoureux
    Dans les petits sentiers que sur les grandes routes.

    Par ces chemins perdus nous aimons à passer.
    Notre amour s’y repose, et souvent y demeure.
    Nous partirons après une halte d’une heure,
    Et puis nous...

  • Tout ce qui charme est sur tes lèvres :
    Les mots émus qu’on dit tout bas
    Et ceux qui prennent leur ébats,
    Partant, courant comme des lièvres ;
    Le doux pli qui, tendre ou moqueur,
    Égaie ou console mon cœur ;
    La caresse dont tu me sèvres
    Pour m’irriter ou m’apaiser :
    Parole, sourire et baiser,
    Tout ce qui charme est sur tes lèvres.

  • Tu n’as pas voulu quand j’avais vingt ans ;
    Tu n’as pas voulu dans le temps des roses
    Où, n’ayant souci des plus douces choses,
    Je n’aimais que toi de tout le printemps ;

    Où j’aurais franchi les monts et les plaines
    Pour te voir une heure et m’en retourner,
    Où ma vie entière était à donner,
    Où mon avenir avait les mains pleines.

    J’allais devant...

  • Éclosion des jeunes âmes !
    Bien d’autres rêves ont peuplé
    Mon cœur, madame, et l’ont gonflé,
    Depuis qu’enfants nous nous croisâmes.
    Amour naïf vite envolé !
    Meurt-elle en nous la rêverie
    Qui berçait les cœurs enfantins ?
    Non, je revois l’île fleurie,
    Les varangues et les jardins.
    Bien séparés sont nos destins !
    Mais jeune fille...

  • Quand vous voyez celui qui vous aime apparaître
    Si courbé devant vous, le front si triste et bas,
    Quand vous sentez sa vie attachée à vos pas…
    Vous vous dites sans doute, en souriant peut-être :
    Pourquoi m’aime-t-il donc, moi qui ne l’aime pas ?

    Oh ! ne le plaignez pas ! Si fort qu’on lui résiste,
    Si loin qu’on le repousse, il aime ses douleurs ;
    Et...

  • Reste ainsi, ne fais pas un geste,
    Ne quitte pas ton escabeau ;
    Poursuis ta besogne modeste,
    A côté d’un pâle flambeau.

    Mon cœur est plein, mon œil se mouille,
    Lorsque, seule et baissant les yeux,
    Je te vois filer ta quenouille
    A ce foyer silencieux.

    Les obscures vertus de l’âme,
    Le dévoûment et la bonté,
    Prêtent au front de l’...

  • Près du Tigre, sous des papillons mouvants,
    Dans un jardin de marbre où chante une piscine,
    Autrefois je dormis. Une jeune Abyssine
    Fort chaste m’enivrait de ses baisers savants.

    Plus tard, dans mes palais, des condamnés vivants
    flambaient très clair, enduits de poix et de résine,
    Et les fleurs embaumaient. — J’ai forcé des couvents
    Et des nonnes,...