•  
    Quand le jeune cheval vient de quitter sa mère,
    Parce qu’il a senti l’horizon l’appeler,
    Qu’il entend sous ses pieds le beau son de la terre,
    Et qu’on voit au soleil ses crins étinceler,
    Dans le vent qui lui parle il agite la tête,
    Et son hennissement trahit sa puberté :

    C’est son premier beau jour, c’est la première fête
    De sa vigueur...

  • L’étoile à sept rayons qui conduisait les mages
         S’est éteinte sur nos pays.
    La Méditerranée a battu nos rivages,
         Et les grands cyprès ont gémi.

    Le Rhône a charrié du limon et des pierres.
         Les rois d’Arles de leurs tombeaux
    Sont sortis. Les palais d’Avignon, sans lumières,
         Ont senti l’aile des corbeaux.

    La Fontaine de Laure...

  •  
    Le grand soleil, plongé dans un royal ennui,
    Brûle au désert des cieux. Sous les traits qu’en silence
    Il disperse et rappelle incessamment à lui,
    Le chœur grave et lointain des sphères se balance.

    Suspendu dans l’abîme il n’est ni haut ni bas ;
    Il ne prend d’aucun feu le feu qu’il communique ;
    Son regard...

  • Les fleuves au midi roulent de larges flots.
    Entre eux le grand lion dort, cachant ses yeux clos
    Sous sa rousse crinière éparse. De la plaine
    On voit monter au ciel sa chaude & blanche haleine,
    Comme un soupir gonflé de haine & de dédain,
    Et l’on entend le bruit qu’il fait, lorsque soudain
    Il étend sur le sol sa patte monstrueuse.
    L’orage...

  •  
    I

    La nuit dans le désert vient à pas lents s’asseoir
    Avec sa robe d’ombre et son bandeau d’étoiles ;
    Elle rafraîchit l’air en balançant ses voiles,
    L’herbe fume et l’Asie est comme un encensoir.

    C’est l’heure du lion. Sur les brûlantes pierres,
    Et sous un jour pesant aux rayons irrités,
    Il a dormi. C’est l’heure, il ouvre les paupières,...

  •  
    Le long du quai les grands vaisseaux,
    Que la houle incline en silence,
    Ne prennent pas garde aux berceaux
    Que la main des femmes balance.

    Mais viendra le jour des adieux ;
    Car il faut que les femmes pleurent
    Et que les hommes curieux
    Tentent les horizons qui leurrent.

    Et ce jour-là les...

  •  
    Le meilleur moment des amours
    N’est pas quand on a dit : « Je t’aime. »
    Il est dans le silence même
    À demi rompu tous les jours ;

    Il est dans les intelligences
    Promptes et furtives des cœurs ;
    Il est dans les feintes rigueurs...

  •  
    Newton, voyant tomber la pomme,
    Conçut la matière et ses lois :
    Oh ! surgira-t-il une fois
    Un Newton pour l’âme de l’homme ?

    Comme il est dans l’infini bleu
    Un centre où les poids se suspendent,
    Ainsi toutes les âmes tendent...

  • VII

    Que faites-vous, Seigneur ? à quoi sert votre ouvrage ?
    À quoi bon l’eau du fleuve et l’éclair de l’orage ?
    Les prés ? les ruisseaux purs qui lavent le gazon ?
    Et, sur les coteaux verts dont s’emplit l’horizon,
    Les immenses...

  • Près de moi se tenait une femme si douce
    Que moins doux est un nid fait de plume et de mousse.
    Le sourire dormait sur sa lèvre ; ses mains
    Caressantes avaient des senteurs de jasmins ;
    Ses bras semblaient promettre une étreinte profonde.
    Elle était pâle avec la chevelure blonde.
    Ni mouvement ni souffle. Un charme plein d’effroi
    Tombait de son visage...