• O le clair matin, la belle gelée !
    Un soleil d’argent sur la plaine blanche
    Verse une clarté frileuse et voilée :
    On sonne la messe à toute volée :
    O la bonne bise, ô le beau dimanche !

    Sur les arbres morts aux ramures nues
    En fins diamants resplendit le givre.

    L’azur froid scintille à travers les nues,
    Voilà mes gaîtés soudain revenues
    ...

  • Quand Vénus au reflet d’opale
    Brillera de loin sur nos fronts,
    Quand viendra l’heure, nous irons,
    Comme au hasard, dans le soir pâle.

    Je marcherai dans les sillons,
    Tu t’en viendras par la prairie ;
    Moi, sous un vol impur qui crie,
    Toi, sous l’essaim des papillons.

    Tu suivras le sentier qui chante
    Au crépuscule doucement ;
    Je...

  • Il dort, le blanc vieillard, dans son manteau vermeil ;
    L’Abeille de Sagesse à ses lèvres murmure.
    Guerrier depuis longtemps libre de son armure,
    De grands ressouvenirs agitent son sommeil.

    Il dort environné du royal appareil,
    Par les siècles l’ayant gardé sans entamure.
    Et sa gloire aujourd’hui qui tombe, moisson mûre,
    Nul n’a pu la faucher, du moins...

  • Un Christ en croix, saignant, maigre, pâle, livide.
    Il est seul, déserté de tous ; le ciel est vide :
    Ce ciel qu’il évoquait d’un regard éperdu :
    Ne s’est pas entr’ouvert et n’a rien répondu :
    Et ce Christ est-il mort dans l’angoisse suprême,
    Ayant douté de nous, de douter de Dieu même ?

  • La jeunesse en sa fleur première :
    L’orgueil farouche du devoir ;
    L’impatience de savoir,
    Jugeant courte une vie entière ;

    Tout ce qui parle de lumière ;
    Tout ce qui répugne à déchoir ;
    Tout ce qui peut germer d’espoir :
    Nous avons tout mis dans la bière !

    Jamais le bien, le vrai, le beau
    N’auraient trahi, dans le tombeau,
    Une âme à...

  • O la rafraîchissante et consolante idée,
    Mourir ! trouver enfin le silence et la nuit,
    Fermer mes yeux au jour mes oreilles au bruit,
    Vider la coupe noire à ma soif accordée,

    Dormir, oublier ! puis, toute l’éternité,
    Rêver d’amour sans fin, rêver de paix sans lutte,
    Ne plus craindre à mes pieds le piége ni la chute,
    Et poursuivre à loisir l’idéale...

  • Le soleil de juillet flétrit la marguerite
    Et pèse lourdement au front du bouton d’or.
    La brise au plus profond des bois muets s’abrite :
    Le soleil luit toujours, le soleil luit encor !

    Dans les prés à demi desséchés, rien ne bouge ;
    Pas un bruit n’interrompt le sommeil des échos.
    Les faucheurs sont couchés au bord du sainfoin rouge,
    Marqué de traits...

  • N’avoir qu’une pensée et ne pouvoir la dire,
    Souffrir d’un mal unique et n’oser le montrer,
    Et sentir en son cœur les nœuds se resserrer,
    Et voir de devant soi l’espoir qui se retire !

    — Chaque jour vient plus lourd et plus vide s’en va ;
    Comme au soir, sur la plage, après la grande houle
    Le flot de ma jeunesse à petit bruit s’écoule ;
    Le ciel s’est...

  • Le char de Savitri par le silence noir
    Fait poudroyer de feu sa route solennelle.
    Au front de l’Imaüs l’Aube tente son aile
    Jusqu’au baiser du dieu pleine de nonchaloir.

    Savitri créateur, Soleil, vaincu du soir,
    A flot va s’épancher le jour de ta prunelle.
    Le brahmane t’implore et le lotus t’appelle,
    L’un pour le rayon d’or et l’autre pour l’espoir....

  • La droite en votre sein, retiré dans la tente
    Que forme autour de vous l’eau des nuages noirs,
    Vous vous taisez, Seigneur ! votre gloire éclatante
    Ne fendra-t-elle plus les sacrés réservoirs ?

    Vos ennemis, portant l’orgueil sur leurs visages,
    Ne cachent même plus leur fond d’iniquité ;
    Jamais vos serviteurs n’ont subi plus d’outrages :
    Comme eux tous...