• Qu’est-ce donc, ô mon Dieu ! que de la gloire humaine,
    S’il faut payer si cher ce fol enivrement,
    Et s’il faut expier les douceurs d’un moment
    Par des peines sans fin et des siècles de haine ?

    Oh ! n’est-ce point assez de la poussière vaine
    Que l’envie au-dehors élève incessamment ?
    Faut-il se faire au cœur un autre rongement,
    Un tourment qui vous use...

  •  
    Ne sauras-tu Jamais, misérable poète,
    Vaincre la lâcheté du rêve et des amours,
    Au vent du sort contraire accoutumer ta tête,
    Comme tous les vivants lutter dans la tempête,
    Ou te croiser les bras sans crier au secours ?

    A droite, à gauche, vois ! sur la mer où nous sommes
    Chacun risque sa voile et jette son appui ;
    Nul ne sait d’où tu viens ni...

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    Voix antiques des flots, de la terre et des airs,
    Ecroulements lointains qui suivent les éclairs,
    Frisson du lourd blé jaune aux taches de pivoines,
    Chuchotement léger des fuyantes avoines,
    Clairon des ouragans, fracas des grandes eaux,
    Respiration vague et molle des roseaux,
    Élégie enchaînée au fond des sources creuses,
    Lamentable soupir des...

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    Ils tombent épuisés ; la bataille était rude.
    Près d’un fleuve, au hasard, sur le dos, sur le flanc,
    Ils gisent, engourdis par tant de lassitude
    Qu’ils sont bien, dans la boue et dans leur propre sang

    Leurs grandes faux sont là, luisantes d’un feu rouge,
    En plein midi. Le chef est un vieux paysan :
    Il veille. Or il croit voir un pli du sol qui bouge...

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    Quand le jeune cheval vient de quitter sa mère,
    Parce qu’il a senti l’horizon l’appeler,
    Qu’il entend sous ses pieds le beau son de la terre,
    Et qu’on voit au soleil ses crins étinceler,
    Dans le vent qui lui parle il agite la tête,
    Et son hennissement trahit sa puberté :

    C’est son premier beau jour, c’est la première fête
    De sa vigueur...

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    I

    La nuit dans le désert vient à pas lents s’asseoir
    Avec sa robe d’ombre et son bandeau d’étoiles ;
    Elle rafraîchit l’air en balançant ses voiles,
    L’herbe fume et l’Asie est comme un encensoir.

    C’est l’heure du lion. Sur les brûlantes pierres,
    Et sous un jour pesant aux rayons irrités,
    Il a dormi. C’est l’heure, il ouvre les paupières,...

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    I

    O Voluptés, salut ! une longue injustice
    Vous accuse d’emplir les enfers de damnés,
    Fait sonner votre nom comme le nom du vice
    Et ne l’inscrit jamais que sur des fronts fanés ;
    Et nous vous bénissons, reines des jeunes hommes ;
    Si nous rêvons un ciel, c’est en vous embrassant,
    Et vous nous laissez purs, ennoblis que nous sommes
    Par la...

  •  
    Tu ne traîneras plus, rêveur mélancolique,
    Deux talons paresseux sous un corps famélique :
    Viens ! je t’offre une plume et le coin d’un bureau,
    Rien ne te manquera…

                                  — Qu’au front un numéro.
    Non ! je n’écris jamais que mon cœur ne s’en mêle ;
    J’honore dans la plume un souvenir de l’aile,
    Je ne la puis toucher sans...

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    Quand l’arche s’arrêta, du linceul gris des ondes
    S’éleva lentement la terre d’aujourd’hui ;
    Mais Dieu la divisa cette fois en deux mondes,
    Une moitié pour nous, l’autre moitié pour lui.
    Il nous livra l’Europe et l’Asie et l’Afrique,
    Du Nil au Borysthène et de Marseille à Tyr ;
    Mais il se réserva la féconde Amérique,
    Voulant y voir son œuvre en...

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    PROLOGUE

    Que je puisse à mon gré peupler un panthéon
    Des plus grands immortels nés de la race humaine !
    J’aime la grâce attique et la force romaine,
    Je porterai Lucrèce à droite de Platon.

    Ces hommes, l’âme haute et la tête baissée,
    Scrutent d’un œil puissant deux infinis divers :
    Lucrèce dans l’atome abîme l’univers,
    Platon dans l’...