• Si je veux abuser mon cœur
    D’une autre image que la sienne,
    Peu à peu, tristement moqueur,
    Il retrace l’image ancienne.

    C’est un pêle-mêle inouï,
    Où tous les traits viennent se fondre,
    Et le fantôme évanoui
    Ressuscite pour me répondre.

    Je vois ses yeux bruns d’autrefois,
    Ses cheveux blonds, son cher sourire,
    Je frémis encore à sa...

  •  

    La terre dans le ciel promène
    Sa face où vit l'humanité.
    La terre va ; la vie humaine
    Ronge son crâne tourmenté.

    Les hommes courent à leurs quêtes
    Sur la terre, ardents et pressés ;
    Comme aux vieux masques des coquettes
    S'obstinent les anciens pensers.

    La terre est vieille et décrépite,
    Et rêve encor, spectre blafard ;
    La...

  •  
    Que pour d’autres l’amour rende triste l’aurore
    Du regret frissonnant d’avoir hier aimé !
    Pour nous, dans l’air palpite et se répand encore
    La ténébreuse odeur dont tu l’as parfumé.

    N’as-tu pas vu, en nous, se lever de l’étreinte
    Un dieu né de notre âme et fait de notre chair,
    Et qui, debout au seuil de la maison éteinte,
    En la jeune clarté...

  • Le front a des blancheurs mates de cire vierge,
    Car il est ignorant des choses du Malin,
    Et l’âme transparaît sous la robe de lin
    Comme à travers l’albâtre une flamme de cierge.

    Le pied, chaussé de vair, de l’arabesque émerge,
    Et la nuque, appuyée au nimbe d’argent fin,
    Se redresse extatique. En marge du vélin
    On lit un nom de reine, Ingeburge ou...

  • Mais comme en image à présent
    voyez ici souffler le vent
    et tout qui plie :
    arbres, mâts, croix, roseaux, sapins,
    et puis aussi la mer au loin
    qui hurle et crie...

  •  
    Tu l'as mal écrasé, Christ, ce reptile immonde
    Que toute vérité trouve sur son chemin !
    De ses hideux replis il enlace le monde,
    Et son dard profond reste aux flancs du genre humain.

    Tu nous avais promis que l'horrible vipère
    Ne renouerait jamais ses livides tronçons,
    Que l'homme serait fils, que le Dieu serait père,
    Et que tu paierais seul...

  • Elle avait fui de mon âme offensée ;
    Bien loin de moi je crus l'avoir chassée :
    Toute tremblante, un jour, elle arriva,
    Sa douce image, et dans mon coeur rentra :
    Point n'eus le temps de me mettre en colère ;
    Point ne savais ce qu'elle voulait faire ;
    Un peu trop tard mon coeur le devina.

    Sans prévenir, elle dit : "Me voilà ?
    "Ce coeur m'attend....

  • Ton image en tous lieux peuple ma solitude.
    Quand c'est l'hiver, la ville et les labeurs d'esprit,
    Elle s'accoude au bout de ma table d'étude,
    Muette, et me sourit.

    A la campagne, au temps où le blé mûr ondule,
    Amis du soir qui tombe et des vastes couchants,
    Elle et moi nous rentrons ensemble au crépuscule
    Par les chemins des champs.

    ...

  • Le temps n'a point pâli ta souveraine image :
    Telle qu'un jour d'été, jadis, tu m'apparus,
    Debout, battant du linge au bord d'un sarcophage,
    Je te revois, fille aux bras nus.

    C'est dans une prairie où la chaleur frissonne,
    Où, comme un brasier vert, l'herbe s'incline au vent.
    Un platane robuste à la belle couronne
    T'abrite du soleil brûlant.
    ...