• Dieu ! que je suis heureux quand je baise à loisir
    Le pourpre soupirant de tes lèvres mollettes,
    Quand nous faisons frayer le bout de nos languettes
    D'une humide rencontre, ô Dieu, que de plaisir !

    Dieu ! que je suis heureux quand, ardent de désir,
    Je sens à petits flots les humeurs doucelettes
    De ta langue couler sur tes lèvres pourprettes ;
    D'un...

  • À sa Dame

    Quand le clair Apollon tire son char des eaux,
    Bridant ses grands coursiers sur le rivage more,
    Le simulacre alors du noir fils de l'Aurore
    Dans le temple thébain rend des sons tout nouveaux.

    Mais sitôt que la nuit épand ses noirs nuaux*
    Par le vague de l'air, Memnon alors déplore
    Et se plaint de ne voir le soleil qu'il adore,
    ...

  • Filliou*, quand je serai guérie,
    Je ne veux voir que des choses très belles...

    De somptueuses fleurs, toujours fleuries ;
    Des paysages qui toujours se renouvellent,
    Des couchers de soleil miraculeux, des villes
    Pleines de palais blancs, de ponts, de campaniles
    Et de lumières scintillantes... Des visages
    Très beaux, très gais ; des danses
    ...

  • Quand le grand oeil du Ciel tournoyant l'horizon
    Se darde au Capricorne, où sa chaleur passée
    Se retirant de nous rend la terre glacée,
    Et nous fait ressentir l'hivernale saison,

    L'air lui voyant ravir l'amoureuse toison
    De mille et mille fleurs dont elle est tapissée,
    En pleure, et tout dépit d'une humeur amassée,
    Voile son chef doré d'un autre...

  • Quand je suis tout baissé sur votre belle face,
    Je vois dedans vos yeux je ne sais quoi de blanc,
    Je ne sais quoi de noir, qui m'émeut tout le sang,
    Et qui jusques au coeur de veine en veine passe.

    Je vois dedans Amour, qui va changeant de place,
    Ores bas, ores haut, toujours me regardant,
    Et son arc contre moi coup sur coup débandant.
    Las ! si je faux...

  • Quand je te voy seule assise à par-toy,
    Toute amusée avecques ta pensée,
    Un peu la teste encontre bas baissée,
    Te retirant du vulgaire et de moy :

    Je veux souvent pour rompre ton esmoy,
    Te saluer, mais ma voix offensée,
    De trop de peur se retient amassée
    Dedans la bouche, et me laisse tout coy.

    Souffrir ne puis les rayons de ta veuë :
    ...

  • Comme un chevreuil, quand le printemps destruit
    L'oyseux crystal de la morne gelée,
    Pour mieulx brouster l'herbette emmielée
    Hors de son boys avec l'Aube s'en fuit,

    Et seul, et seur, loing de chiens et de bruit,
    Or sur un mont, or dans une vallée,
    Or pres d'une onde à l'escart recelée,
    Libre follastre où son pied le conduit ;

    De retz ne...

  • Quand en songeant ma folâtre j'acolle,
    Laissant mes flancs sur les siens s'allonger,
    Et que, d'un branle habilement léger,
    En sa moitié ma moitié je recolle !

    Amour, adonc si follement m'affole,
    Qu'un tel abus je ne voudroi changer,
    Non au butin d'un rivage étranger,
    Non au sablon qui jaunoie en Pactole.

    Mon dieu, quel heur, et quel...

  • Quand je pense à ce jour, où je la vey si belle
    Toute flamber d'amour, d'honneur et de vertu,
    Le regret, comme un trait mortellement pointu,
    Me traverse le coeur d'une playe eternelle.

    Alors que j'esperois la bonne grace d'elle,
    L'Amour a mon espoir que la Mort combattu :
    La Mort a mon espoir d'un cercueil revestu,
    Dont j'esperois la paix de ma longue...

  • Quand vous serez bien vieille, au soir, à la chandelle,
    Assise aupres du feu, devidant et filant,
    Direz, chantant mes vers, en vous esmerveillant :
    Ronsard me celebroit du temps que j'estois belle.

    Lors, vous n'aurez servante oyant telle nouvelle,
    Desja sous le labeur à demy sommeillant,
    Qui au bruit de mon nom ne s'aille resveillant,
    Benissant vostre...