• Vois ! cette mer si calme a comme un lourd bélier
    Effondré tout un jour le flanc des promontoires,
    Escaladé par bonds leur fumant escalier,
    Et versé sur les rocs, qui hurlent sans plier,
    Le frisson écumeux des longues houles noires.
    Un vent frais, aujourd'hui, palpite sur les eaux,
    La beauté du soleil monte et les illumine,
    Et vers l'horizon pur où...

  • Berger du monde, clos les paupières funèbres
    Des deux chiens d'Yama qui hantent les ténèbres.

    Va, pars ! Suis le chemin antique des aïeux.
    Ouvre sa tombe heureuse et qu'il s'endorme en elle,
    O Terre du repos, douce aux hommes pieux !
    Revêts-le de silence, ô Terre maternelle,
    Et mets le long baiser de l'ombre sur ses yeux.

    Que le Berger divin...

  • Après l'apothéose après les gémonies,
    Pour le vorace oubli marqués du même sceau,
    Multitudes sans voix, vains noms, races finies,
    Feuilles du noble chêne ou de l'humble arbrisseau ;

    Vous dont nul n'a connu les mornes agonies,
    Vous qui brûliez d'un feu sacré dès le berceau,
    Lâches, saints et héros, brutes, mâles génies,
    Ajoutés au fumier des siècles par...

  • Ils gisent dans le champ terrible et solitaire.
    Leur sang fait une mare affreuse sur la terre ;
    Les vautours monstrueux fouillent leur ventre ouvert ;
    Leurs corps farouches, froids, épars sur le pré vert,
    Effroyables, tordus, noirs, ont toutes les formes
    Que le tonnerre donne aux foudroyés énormes ;
    Leur crâne est à la pierre aveugle ressemblant ;
    La...

  • Jouissez du repos que vous donne le maître.
    Vous étiez autrefois des coeurs troublés peut-être,
    Qu'un vain songe poursuit ;
    L'erreur vous tourmentait, ou la haine, ou l'envie ;
    Vos bouches, d'où sortait la vapeur de la vie,
    Étaient pleines de bruit.

    Faces confusément l'une à l'autre apparues,
    Vous alliez et veniez en foule dans les rues,
    Ne...

  • Les morts m'écoutent seuls, j'habite les tombeaux.
    Jusqu'au bout je serai l'ennemi de moi-même.
    Ma gloire est aux ingrats, mon grain est aux corbeaux,
    Sans récolter jamais je laboure et je sème.

    Je ne me plaindrai pas. Qu'importe l'Aquilon,
    L'opprobre et le mépris, la face de l'injure !
    Puisque quand je te touche, ô lyre d'Apollon,
    Tu sonnes...

  • ... Les Morts aimés sont les hôtes aux mains discrètes
    Qui demandent leur pain quotidien, sans bruit,
    Ils ne viennent jamais nous troubler dans nos fêtes,
    Mais veulent partager l'angoisse de nos nuits. [...]

  • Les baisers morts des défuntes années
    Ont mis leur sceau sur ton visage,
    Et, sous le vent morne et rugueux de l'âge,
    Bien des roses, parmi tes traits, se sont fanées.

    Je ne vois plus ta bouche et tes grands yeux
    Luire comme un matin de fête,
    Ni, lentement, se reposer ta tête
    Dans le jardin massif et noir de tes cheveux.

    Tes mains chères...

  • En ces heures de soir où sous la brume épaisse
    Le ciel voilé s'efface et lentement s'endort,
    Je marche recueilli, mais sans vaine tristesse,
    Sur la terre pleine de morts.

    Je fais sonner mon pas pour qu'encore ils l'entendent
    Et qu'ils songent, en leur sommeil morne et secret,
    A ceux dont la ferveur et la force plus grandes
    Refont le monde qu'ils...