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    On dit qu’impatients d’abdiquer la jeunesse,
    Aux sordides calculs vous livrez vos vingt ans ;
    Qu’à moins d’un sang nouveau qui du vieux sol renaisse,
    La France et l’avenir ont perdu leurs printemps.

    A l’âge où nous errions, livre en main, sous la haie,
    Tout prêts à dépenser notre cœur et nos jours,
    On dit que vous savez ce que vaut en monnaie
    ...

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    I

    Le jardin des églantines
    Où mon cœur chantait Matines,

    Le jardin s’est embrumé
    Où nous avons tant aimé ;

    Adieu, visions si blanches
    Sur le vert doré des branches,

    Baisers plus vite envolés
    Que la caille dans les blés ;

    Languissante, languissante,
    S’en va l’heure adolescente,

    Et dans la...

  • Je me souviens d’une contrée
    Que j’ai visitée autrefois.
    Comme au jour qu’elle s’est montrée
    À mes yeux, encor je la vois.

    Elle était parfumée et verte,
    Y chantaient que d’oiseaux siffleurs !
    Et de ciel bleu toute couverte
    Elle se pâmait sous les fleurs.

    Sans doute pour la faire éclore...

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    À Madame X.

    À vous dont les cheveux de neige et de clarté
    Encadrent doucement la figure indulgente,
    — Ainsi dans les grands bois un vieux chêne s’argente
    Des fils blancs de la Vierge à la fin de l’été,

    À vous l’ancienne, à vous la bonne, à vous la seule
    Pour qui j’ai de ma vie entr’ouvert les rideaux,
    A vous dont l’âme...

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    Chacun voit arriver des jours de deuil profond
    Où sa jeunesse blanche est à jamais finie
    Et chuchote en pleurant des adieux d’agonie,
    Avec le geste doux des aimés qui s’en vont.

    Des fermoirs d’éternel silence ont clos sa bouche,
    Mais tandis qu’on la mise en terre, tristement,
    Dans la maison de l’Âme ― après l’enterrement ―
    Comme on se trouve...

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    Douleur de voir une par une
    Les fleurs de sa jeunesse en fuite dans le vent,
    Et de les voir tomber sur le gazon mouvant
    Comme des larmes de la Lune.

    Douleur de voir diminué
    Son patrimoine ancien d’espérance et de rêve,
    Et d’être un grand oiseau perdu sur une grève,
    Qui bat de l’aile, exténué !

    Douleur d’avoir appris la vie,
    De ne...

  • Tout le plaisir de vivre est tenu dans vos mains,
    Ô Jeunesse joyeuse, ardente, printanière,
    Autour de qui tournoie l'emportement humain
    Comme une abeille autour d'une branche fruitière !

    Vous courez dans les champs, et le vol d'un pigeon
    Fait plus d'ombre que vous sur l'herbe soleilleuse.
    Vos yeux sont verdoyants, pareils à deux bourgeons,
    Vos...

  • En acquittant nostre temps vers jeunesse,
    Le nouvel an et la saison jolie,
    Plains de plaisir et de toute liesse
    - Qui chascun d'eulx chierement nous en prie -,
    Venuz sommes en ceste mommerie*,
    Belles, bonnes, plaisans et gracieuses,
    Prestz de dancer et faire chiere lie
    Pour resveillier voz pensees joieuses.

    Or bannissiez de vous toute...

  • Pourquoy m'as tu vendu, Jeunesse,
    A grant marchié, comme pour rien,
    Es mains de ma dame Viellesse
    Qui ne me fait gueres de bien ?
    A elle peu tenu me tien,
    Mais il convient que je l'endure,
    Puis que c'est le cours de nature.

    Son hostel de noir de tristesse
    Est tandu. Quant dedans je vien,
    J'y voy l'istoire de Destresse
    Qui me fait...

  • Puisque de l'enfance envolée
    Le rêve blanc,
    Comme l'oiseau dans la vallée,
    Fuit d'un élan ;

    Puisque mon auteur adorable
    Me fait errer
    Sur la terre où rien n'est durable
    Que d'espérer ;

    A moi jeunesse, abeille blonde
    Aux ailes d'or !
    Prenez une âme, et par le monde,
    Prenons l'essor ;

    Avançons, l'une emportant l'autre...