Je vais m’asseoir, l’été, devant les plaines vertes,
Solitaire, immobile, enchanté de soleil ;
Ma mémoire dans l’air par d’insensibles pertes
Se vide ; et, comme un sphinx aux prunelles ouvertes,
Je dors étrangement, et voici mon sommeil :

Ma poitrine s’...

 
Dès l’aube, au vallon de Tempe,
Eros jouait avec Zéphire ;
Le meilleur de ses traits — le pire ! —
De son carquois d’or est tombé ;

Ce trait en eût l’aile brisée ;
Mais plus terrible, aux fleurs pareil,
Il luit comme telles au soleil,
La pointe...

 
Pour peu que votre image en mon âme renaisse,
Je sens bien que c’est vous que j’aime encor le mieux.
Vous avez désolé l’aube de ma jeunesse,
Je veux pourtant mourir sans oublier vos yeux,

Ni votre voix surtout, sonore et caressante,
Qui pénétrait mon cœur...

 

Ô senteur suave et modeste
Qu’épanchait le front maternel,
Et dont le souvenir nous reste
Comme un lointain parfum d’autel,

Pure émanation divine
Qui mêlais en moi ta douceur
À la petite senteur fine
Des longues tresses d’...

 
L’air doux n’est troublé d’aucun bruit,
Il est midi, Parme est tranquille ;
Je ne rencontre dans la ville
Qu’un abbé que son ombre suit.

Sa redingote fait soutane
Et lui tombe jusqu’aux talons.
Il porte un feutre aux bords très-longs,
Culotte...

 
J’ai mal placé mon cœur, j’aime l’enfant d’un autre ;
Et c’est pour m’exploiter qu’il fait le bon apôtre,
           Ce petit traître ! Je le sais.
Sa mère, quand je viens, me devine, et l’appelle,
Sentant que je suis là pour lui plus que pour elle,...

 
Viens, ne marche pas seul dans un jaloux sentier,
Mais suis les grands chemins que l’humanité foule ;
Les hommes ne sont forts, bons et justes, qu’enfouie
Ils s’achèvent ensemble, aucun d’eux n’est entier.

Malgré toi tous les morts t’ont fait leur héritier ;...

 
Que voit-on dans ce champ de pierres ?
Un paysan souffle, épuisé ;
Le hâle a brûlé ses paupières ;
Il se dresse, le dos brisé ;
Il a le regard de la bête
Qui, dételée enfin, s’arrête
Et flaire, en allongeant la tête,
Son vieux bât qu’elle a tant...

 
En souvenir je m’aventure
Vers les jours passés où j’aimais,
Pour visiter la sépulture
Des rêves que mon cœur a faits.

Cependant qu’on vieillit sans cesse,
Les amours ont toujours vingt ans,
Jeunes de la fixe jeunesse
Des enfants qu’on pleure...

 
Un soir, vaincu par le labeur
Où s’obstine le front de l’homme,
Je m’assoupis, et dans mon somme
M’apparut un bouton de fleur.

C’était cette fleur qu’on appelle
Pensée ; elle voulait s’ouvrir,
Et moi je m’en sentais mourir :
Toute ma vie allait...