•  
    Toi qui hantes mes nuits, spectre éternel du Temps,
    Ombre énorme et sans voix, monstre aux molles vertèbres
    Dont on épie en vain les pas dans les ténèbres,
    Je te sais près de moi ; je tremble et je t’attends.

    Oh bonté ! ai-je donc peur ? Que tes mépris absolvent
    Cette âme où ton regard vertigineux descend...
    Et pourtant il songeait, mon front...

  • Tu n'es pas la plus amoureuse
    De celles qui m'ont pris ma chair ;
    Tu n'es pas la plus savoureuse
    De mes femmes de l'autre hiver.

    Mais je t'adore tout de même !
    D'ailleurs ton corps doux et bénin
    A tout, dans son calme suprême,
    De si grassement féminin,

    De si voluptueux sans phrase,
    Depuis les pieds longtemps baisés
    Jusqu'à ces yeux...

  • Il est des âmes si craintives d’elles,
    Qu’elles n’osent aimer l’âme même fidèle,
    Venant vers leurs chemins,
    Avec la joie, entre ses mains.

    Vagues et comme errantes,
    Elles n’ont foi qu’en la tristesse
    Des implorantes.

    En des golfes, elles rêvent et filent,
    Au rouet des jours, toujours.

    Il est des âmes si...

  • Je suis celle des reliques mélancoliques
    Qui passe, en cette chambre d’or,
    Où ce qui vient des morts repose et dort
    En des boîtes de soie et des écrins de gloire ;
    Je suis celle de leur mémoire
    Et je recueille, avec mes lentes mains, le soir,
    Les larmes du silence au fond des bijoux noirs.

    L’heure est grave et triste en cette fin de...

  • Sur ta rampe, pendant la nuit,
    Je suis cette image accoudée
    Qui regarde la pâle idée
    Faire le tour de ton ennui.

    Je suis pour ta morne veillée,
    Celle en noir habillée,
    Celle aux regards ailleurs
    Dont les yeux brûlent en leurs pleurs
    La hantise des vieux voyages.

    Dites, combien c’est loin de nous, les plages
    Les...

  • Voix solitaire, ô délaissée !
    Victime tant de fois blessée,
    Chère morte dont l'âme eut faim
    Et soif d'azur, ô Marceline,
    Dors-tu, sous la froide colline ?
    As-tu trouvé le calme, enfin ?

    Quand, parmi la lente agonie,
    La douleur, qui fut ton génie,
    T'arrachait de tremblants aveux,
    Le souffle du maître farouche
    En passant déliait ta...

  • Je ne viens pas ce soir vaincre ton corps, ô bête
    En qui vont les péchés d’un peuple, ni creuser
    Dans tes cheveux impurs une triste tempête
    Sous l’incurable ennui que verse mon baiser.
     
    Je demande à ton lit le lourd sommeil sans songes
    Planant sous les rideaux inconnus du remords,
    Et que tu peux goûter après tes noirs mensonges,
    Toi qui sur le...

  • Veux-tu, sur les grands monts aux vertes chevelures,
    Où l’haleine des soirs balsamiques t’attend,
    Voir aux molles lueurs de Vesper hésitant,
    Des chevriers tardifs les étranges allures ;

    Et sur ces flancs ouvrés en mille dentelures
    Me dire ces vieux airs où le cœur se plaît tant,
    D’une bouche enfantine et le sein palpitant
    Comme un doux gonflement de...

  • Tu parlais du jardin où les roses claustrales
    Pour les bouquets d'autel fleurissaient doucement,
    Des nonnes dans l'enclos lumineux et dormant
    Cueillant des fruits au son des cloches vespérales ;

    Et moi je te voyais en un calme couvent
    T'asseoir, rigide et blanche, aux stalles des chapelles
    Et lever vers le ciel tes mains froides et belles
    Et...

  • Quand celle j'oy parler qui pare nostre France,
    Lors son riche propos j'admire en escoutant ;
    Et puis s'elle se taist, j'admire bien autant
    La belle majesté de son grave silence.

    S'elle escrit, s'elle lit, s'elle va, s'elle dance,
    Or je poise son port, or son maintien constant,
    Et sa guaye façon ; et voir en un instant
    De çà de là sortir mille...