• Sous l'épais sycomore, ô vierge, où tu sommeilles,
    Dans le jardin fleuri, tiède et silencieux,
    Pour goûter la saveur de tes lèvres vermeilles
    Un papillon d'azur vers toi descend des cieux.

    C'est l'heure où le soleil blanchit les vastes cieux
    Et fend l'écorce d'or des grenades vermeilles.
    Le divin vagabond de l'air silencieux
    Se pose sur ta bouche...

  • Le soleil déclinait vers l'écume des flots,
    Et les grasses brebis revenaient aux enclos ;
    Et les vaches suivaient, semblables aux nuées
    Qui roulent sans relâche, à la file entraînées,
    Lorsque le vent d'automne, au travers du ciel noir,
    Les chasse à grands coups d'aile, et qu'elles vont pleuvoir.
    Derrière les brebis, toutes lourdes de laine,
    Telles s'...

  • Une nuit noire, par un calme, sous l'Équateur.


    Le Temps, l'Étendue et le Nombre
    Sont tombés du noir firmament
    Dans la mer immobile et sombre.

    Suaire de silence et d'ombre,
    La nuit efface absolument
    Le Temps, l'Étendue et le Nombre.

    Tel qu'un lourd et muet décombre,
    L'Esprit plonge au vide dormant,
    Dans la mer immobile...

  • Le frais matin dorait de sa clarté première
    La cime des bambous et des gérofliers.
    Oh ! les mille chansons des oiseaux familiers
    Palpitant dans l'air rose et buvant la lumière !

    Comme lui tu brillais, ô ma douce lumière,
    Et tu chantais comme eux vers les cieux familiers !
    A l'ombre des letchis et des gérofliers,
    C'était toi que mon coeur contemplait...

  • Reçois, pasteur des boucs et des chèvres frugales,
    Ce vase enduit de cire, aux deux anses égales.
    Avec l'odeur du bois récemment ciselé,
    Le long du bord serpente un lierre entremêlé
    D'hélichryse aux fruits d'or. Une main ferme et fine
    A sculpté ce beau corps de femme, oeuvre divine,
    Qui, du péplos ornée et le front ceint de fleurs,
    Se rit du vain amour des...

  • I

    Trois spectres familiers hantent mes heures sombres.
    Sans relâche, à jamais, perpétuellement,
    Du rêve de ma vie ils traversent les ombres.

    Je les regarde avec angoisse et tremblement.
    Ils se suivent, muets comme il convient aux âmes,
    Et mon coeur se contracte et saigne en les nommant.

    Ces magnétiques yeux, plus aigus que des lames,...

  • Khons, tranquille et parfait, le Roi des Dieux thébains,
    Est assis gravement dans sa barque dorée :
    Le col roide, l'oeil fixe et l'épaule carrée,
    Sur ses genoux aigus il allonge les mains.

    La double bandelette enclôt ses tempes lisses
    Et pend avec lourdeur sur le sein et le dos.
    Tel le Dieu se recueille et songe en son repos,
    Le regard immuable et noyé...

  • Bois chers aux ramiers, pleurez, doux feuillages,
    Et toi, source vive, et vous, frais sentiers ;
    Pleurez, ô bruyères sauvages,
    Buissons de houx et d'églantiers !

    Du courlis siffleur l'aube saluée
    Suspend au brin d'herbe une perle en feu ;
    Sur le mont rose est la nuée ;
    La poule d'eau nage au lac bleu.

    Pleurez, ô courlis ; pleure, blanche...

  • Le vert colibri, le roi des collines,
    Voyant la rosée et le soleil clair
    Luire dans son nid tissé d'herbes fines,
    Comme un frais rayon s'échappe dans l'air.

    Il se hâte et vole aux sources voisines
    Où les bambous font le bruit de la mer,
    Où l'açoka rouge, aux odeurs divines,
    S'ouvre et porte au coeur un humide éclair.

    Vers la fleur dorée il...

  • Sous les noirs acajous, les lianes en fleur,
    Dans l'air lourd, immobile et saturé de mouches,
    Pendent, et, s'enroulant en bas parmi les souches,
    Bercent le perroquet splendide et querelleur,
    L'araignée au dos jaune et les singes farouches.
    C'est là que le tueur de boeufs et de chevaux,
    Le long des vieux troncs morts à l'écorce moussue,
    Sinistre et fatigué,...